Depuis près de vingt ans, le gynécologue soigne les victimes de sévices sexuels au Sud-Kivu, dans la République démocratique du Congo.
Plusieurs fois pressenti, le gynécologue congolais Denis Mukwege a finalement reçu, vendredi 5 octobre, le prix Nobel de la paix (conjointement à la yézidie Nadia Murad, ex-esclave de l’organisation djihadiste Etat islamique, EI). Cela fait près de vingt ans que le docteur Mukwege répare les femmes mutilées lors d’un viol ou d’une excision, pratique rituelle qui vise à retirer le clitoris, ou du moins une partie, d’une enfant ou d’une adolescente.
Devenu l’un des plus grands spécialistes des traitements de torture sexuelle alors que sa vocation était d’aider à mettre au monde des enfants, le Dr Mukwege, 58 ans, a, pendant des années, pratiqué dix à douze opérations par jour, formé du personnel médical, décentralisé des unités de soin afin que les femmes puissent trouver secours près de chez elles, souvent au péril de sa propre vie.
Pris pour cible
25 octobre 2012 à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, à l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC). C’est le soir. Cinq hommes lourdement armés s’introduisent dans sa demeure et attendent son arrivée. Au bruit de sa voiture, ils se mettent en position de tir, extirpent le médecin de son véhicule, braquent une arme sur sa tempe.
Au moment où ils s’apprêtent à l’exécuter, un de ses employés se jette en hurlant sur l’un des agresseurs, lequel se retourne brusquement et fait feu, le tuant de deux balles. Dans une grande confusion, le médecin se retrouve à terre, pris sous les tirs, puis le commando s’enfuit dans le véhicule familial. Aujourd’hui, le pasteur se dit « miraculé » :
« J’en suis au sixième attentat par balles. Je crois bien que j’ai une protection… surnaturelle. »
En quelques heures, la rumeur de l’attentat a fait le tour du monde. Et de tous les continents s’est élevée une même clameur mêlant stupeur et indignation. Mais à Bukavu, la ville où il est né et où il opère ses patientes depuis 1999, c’est bien plus que de l’indignation qui a saisi la communauté des femmes, à l’annonce de l’évacuation du chirurgien vers l’Europe. C’est une profonde angoisse : que faire sans Mukwege ? Qui les soignerait ?
Mais le docteur ne demande qu’à reprendre son travail et retourner auprès de ses patientes : « Impossible d’abandonner ces femmes à leurs souffrances. »
Le premier cas
Son engagement auprès des femmes naît en 1999, avec le cas d’une patiente qui l’a particulièrement troublé. A l’époque, le médecin gynécologue travaille dans le tout nouvel hôpital de Panzi, où il s’attend à faire des césariennes et aider à mettre au monde des enfants :
« Elle m’a raconté qu’elle avait été violée par six soldats et que l’un d’eux avait ensuite tiré dans son vagin. Comment une telle cruauté était-elle possible ? Pourquoi cette obstination à mutiler ? J’ai soigné cette femme en me disant qu’elle avait certainement croisé le chemin d’un fou. »
Mais il y en a eu une autre. Puis une autre. Et une autre. Au fil des mois, les cas de viol, pratiqués par à peu près tous les groupes armés, et de mutilation se sont comptés par dizaines, par centaines, par milliers. Le phénomène s’est transformé en épidémie dans l’est du Congo.
« Et moi, je me suis retrouvé confronté à une situation qu’aucun médecin n’avait encore affrontée, et pour laquelle les manuels n’étaient d’aucun secours. »
Il a bien alerté les ONG, la Maison Blanche, le Conseil de l’Europe, les chancelleries. Il s’est exprimé à la tribune de l’ONU, a brandi des chiffres, des photos, des témoignages. Rien de décisif n’a suivi, hormis quelques récompenses et dotations qui ont consolidé son hôpital.
De nombreux prix
Mais le gynécologue n’a jamais cessé de travailler ses techniques, d’innover dans les solutions chirurgicales, de former des collaborateurs. Il a reçu de très nombreux prix pour son engagement, dont le prestigieux prix Sakharov, remis par le Parlement européen à des personnes ou des organisations en lutte contre l’oppression, l’intolérance et l’injustice. Mais le récit des femmes qu’il rencontre continue à le hanter tous les jours.
En RDC, toujours en proie aux violences, certains voient en Denis Mukwege un symbole de paix, même si le chirurgien répète qu’il n’a pas d’ambition politique.
Le Monde
Plusieurs fois pressenti, le gynécologue congolais Denis Mukwege a finalement reçu, vendredi 5 octobre, le prix Nobel de la paix (conjointement à la yézidie Nadia Murad, ex-esclave de l’organisation djihadiste Etat islamique, EI). Cela fait près de vingt ans que le docteur Mukwege répare les femmes mutilées lors d’un viol ou d’une excision, pratique rituelle qui vise à retirer le clitoris, ou du moins une partie, d’une enfant ou d’une adolescente.
Devenu l’un des plus grands spécialistes des traitements de torture sexuelle alors que sa vocation était d’aider à mettre au monde des enfants, le Dr Mukwege, 58 ans, a, pendant des années, pratiqué dix à douze opérations par jour, formé du personnel médical, décentralisé des unités de soin afin que les femmes puissent trouver secours près de chez elles, souvent au péril de sa propre vie.
Pris pour cible
25 octobre 2012 à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, à l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC). C’est le soir. Cinq hommes lourdement armés s’introduisent dans sa demeure et attendent son arrivée. Au bruit de sa voiture, ils se mettent en position de tir, extirpent le médecin de son véhicule, braquent une arme sur sa tempe.
Au moment où ils s’apprêtent à l’exécuter, un de ses employés se jette en hurlant sur l’un des agresseurs, lequel se retourne brusquement et fait feu, le tuant de deux balles. Dans une grande confusion, le médecin se retrouve à terre, pris sous les tirs, puis le commando s’enfuit dans le véhicule familial. Aujourd’hui, le pasteur se dit « miraculé » :
« J’en suis au sixième attentat par balles. Je crois bien que j’ai une protection… surnaturelle. »
En quelques heures, la rumeur de l’attentat a fait le tour du monde. Et de tous les continents s’est élevée une même clameur mêlant stupeur et indignation. Mais à Bukavu, la ville où il est né et où il opère ses patientes depuis 1999, c’est bien plus que de l’indignation qui a saisi la communauté des femmes, à l’annonce de l’évacuation du chirurgien vers l’Europe. C’est une profonde angoisse : que faire sans Mukwege ? Qui les soignerait ?
Mais le docteur ne demande qu’à reprendre son travail et retourner auprès de ses patientes : « Impossible d’abandonner ces femmes à leurs souffrances. »
Le premier cas
Son engagement auprès des femmes naît en 1999, avec le cas d’une patiente qui l’a particulièrement troublé. A l’époque, le médecin gynécologue travaille dans le tout nouvel hôpital de Panzi, où il s’attend à faire des césariennes et aider à mettre au monde des enfants :
« Elle m’a raconté qu’elle avait été violée par six soldats et que l’un d’eux avait ensuite tiré dans son vagin. Comment une telle cruauté était-elle possible ? Pourquoi cette obstination à mutiler ? J’ai soigné cette femme en me disant qu’elle avait certainement croisé le chemin d’un fou. »
Mais il y en a eu une autre. Puis une autre. Et une autre. Au fil des mois, les cas de viol, pratiqués par à peu près tous les groupes armés, et de mutilation se sont comptés par dizaines, par centaines, par milliers. Le phénomène s’est transformé en épidémie dans l’est du Congo.
« Et moi, je me suis retrouvé confronté à une situation qu’aucun médecin n’avait encore affrontée, et pour laquelle les manuels n’étaient d’aucun secours. »
Il a bien alerté les ONG, la Maison Blanche, le Conseil de l’Europe, les chancelleries. Il s’est exprimé à la tribune de l’ONU, a brandi des chiffres, des photos, des témoignages. Rien de décisif n’a suivi, hormis quelques récompenses et dotations qui ont consolidé son hôpital.
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Mais le gynécologue n’a jamais cessé de travailler ses techniques, d’innover dans les solutions chirurgicales, de former des collaborateurs. Il a reçu de très nombreux prix pour son engagement, dont le prestigieux prix Sakharov, remis par le Parlement européen à des personnes ou des organisations en lutte contre l’oppression, l’intolérance et l’injustice. Mais le récit des femmes qu’il rencontre continue à le hanter tous les jours.
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Le Monde
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