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Nigeria: retour sur l'enlèvement de 40 jeunes hommes par Boko Haram

Quarante garçons et jeunes hommes ont été enlevés, le 31 décembre, dans le village de Malari, dans l'Etat de Borno dans le Nord. Le groupe de ravisseurs reste non identifié mais il semble faire partie de la mouvance Boko Haram. Le village se situe à 20 km de la forêt de Sambisa, réputée comme une des principales caches du groupe islamiste armé. Boko Haram contrôle de nombreuses localités autour de ce village, en particulier la ville de Gwoza, 230 000 habitants, située à environ 40 km du village de Malari.

Aminou Aboubakar, le correspondant du service anglais de RFI. Il a parlé avec les habitants de ce village qui ont donné l'alerte vendredi soir.



Une jeune femme puise de l'eau devant une maison brûlée, probablement après le passage des insurgés de Boko Haram, dans le dsictrict de Gamboru Ngala, dans l'Etat de Borno, le 5 mai 2014. AFP PHOTO/STRINGER
Une jeune femme puise de l'eau devant une maison brûlée, probablement après le passage des insurgés de Boko Haram, dans le dsictrict de Gamboru Ngala, dans l'Etat de Borno, le 5 mai 2014. AFP PHOTO/STRINGER

Selon ceux qui ont réussi à fuir et sont arrivés à Maïduguri vendredi soir, les assaillants sont arrivés aux environs de 20 h. Ils  ont tiré tous les hommes du village de leurs maisons et les ont réunis devant celle du chef local. Ils ont commencé par leur faire un discours de propagande idéologique, puis en ont sélectionné quarante, des garçons et de jeunes hommes, les âges vont de 10 ans à 23 ans. Ils les ont mis dans des camions et les emmenés dans la forêt. Même si les gens de Boko Haram ont assuré qu'ils n'allaient pas attaqué le village ou faire du mal à qui que ce soit, les habitants avaient trop peur et ils ont fui le village à pieds. Cela s'est passé lors du Nouvel An, mais ils ne sont arrivés qu'hier soir à Maïduguri et c'est là qu'ils ont pu raconter leur histoire.

Pourquoi a-t-on appris cet enlèvement qu'aujourd'hui?

C'est un village reculé. Il n'y a pas de réseau de télécommunications car les infrastructures de téléphonie ont été détruites lors de précédentes attaques. Donc la région où l'enlèvement s'est déroulé est coupée du reste du pays. La majeure partie de la population a fui quand Boko Haram a pris le contrôle de cette zone, très peu sont restés sur place, mais c'était le cas pour les habitants de ce village. Après l'enlèvement, il leur a donc fallu faire une longue marche, presque trois jours pour rejoindre Maiduguri, ils sont arrivés vendredi soir assez tard et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on a entendu parler de cet enlèvement

Mais cela veut dire qu'il n'y a qu'aucune force de sécurité plus proche que Maïduguri qui aurait pu leur venir en aide ?

Exactement. Boko Haram contrôle presque 20 000 km², presque toute la partie nord de l'Etat de Borno. Ce groupe occupe des dizaines de villes et villages. En effet, il contrôle toute cette région et la population est à leur merci. Donc il n'y a aucune force de sécurité vers laquelle les habitants de ce village auraient pu se tourner quand ils ont été attaqués. Boko Haram n'a jamais eu le soutien de la population, plus depuis le début de sa campagne de violences. Récemment, ils sont obligés de mener des offensives contre des milices d'autodéfense, ils sont de plus en plus obligés de faire du recrutement forcé, d'élever même des enfants pour qu'ils combattent pour eux.


Dans la zone de Gwoza, Boko Haram règne en maître

Les attaques et les kidnappings dans la zone de Gwoza ne surprennent plus Ayuba Bassa. Depuis bientôt dix mois, son église évangélique s'efforce de reloger les déplacés sans cesse plus nombreux qui fuient les exactions de Boko Haram. Les combattants de l'insurrection islamiste agissent en toute impunité dans cette portion de l'Etat de Borno proche de la frontière avec le Cameroun.

« Malari est un petit village, raconte Ayuba Bassa. Les gens de Boko Haram peuvent mener des attaques sans être inquiétés dans la région. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, il n'y a qu'une école et une clinique dans le village et aucune force de sécurité de l'Etat. Avant, il y avait un petit commissariat de police, mais Boko Haram a chassé les policiers. Et puis surtout, Boko Haram contrôle toujours Gwoza depuis juin. Certains de leurs chefs sont là, le groupe tient des checkpoints, des prisons, il a des combattants sur place. Il règne sur la ville et peut attaquer partout puisqu'il n'y a pas de l'Etat. Il peut répandre la terreur et le chaos. »

Les rescapés de l'attaque de Malari n'ont eu d'autres recours que de gagner à pied Maïduguri, la capitale de l'Etat de Borno, où ils ont pu, au terme de trois jours de marche, raconter l'attaque contre leur village et les enlèvements. Ils n'ont rencontré en chemin aucune autorité représentant l'Etat nigérian.

Pourquoi enlever des enfants aussi jeunes ?

► L'analyse de Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria :

« Le premier point, c'est le signal médiatique que cela envoie, puisque depuis l'affaire de Chibok, les enlèvements d'enfants dans la région et notamment de jeunes lycéens ou même élèves des écoles primaires, qu'ils soient filles ou garçons, sont devenus un symbole de l'incompétence du président sortant, en sachant qu'en plus on est dans le contexte d'élections qui doivent se dérouler en février prochain. Donc plus le mouvement enlève des enfants, plus il démontre que le gouvernement est incapable d'endiguer la situation.

Maintenant, derrière cela, l'idée est, dans la logique de la secte, d'empêcher un lavage de cerveau, les soustraire à la pensée occidentale, à un système éducatif, à un formatage tel qu'il est hérité de la colonisation britannique dans le système éducatif contemporain au Nigeria pour reformater ces enfants dans un système islamique pur, tel que l'entend cette secte. Donc il y a vraiment unedimension idéologique forte. Au-delà des aspects qui relèveraient d'une économie politique d'un mouvement rebelle qui enlèverait des jeunes pour en faire des enfants-soldats, ces enfants de dix ans ne sont pas en mesure de combattre, donc il y a vraiment un aspect très doctrinaire et symbolique dans ces enlèvements. »


Rfi.fr

Dimanche 4 Janvier 2015 - 10:57


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