La crise couvait depuis des mois, et elle s'est accélérée cet été, lorsque l'Argentine a demandé fin août au FMI de rééchelonner sa dette, c'est-à-dire de lui donner plus de temps et plus de facilités pour l'honorer. Une demande qui a en quelque sorte officialisé ce que les marchés redoutaient déjà : l'incapacité de l'Argentine à rembourser ses dettes, à commencer par une ardoise de 57 milliards d'euros correspondant au prêt accordé un an plus tôt par le FMI. Le prêt le plus important de toute l'histoire de l'institution.
Aujourd'hui, l'échec de ce prêt est patent. Le Nobel de l'économie Paul Krugman dénonce un « manque de discernement ». Christine Lagarde, présidente du FMI à l'époque, reconnaît plus sobrement avoir « sous-estimé » le cas argentin. Au printemps 2018, le FMI essaie pourtant d'aider l'Argentine à retrouver la confiance des investisseurs, qu'elle a perdue depuis la crise du début des années 2000. « L'Argentine veut alors revenir au marché des capitaux internationaux, rappelle Gabriel Gimenez-Roche, professeur d'économie à l'école de commerce Neoma et spécialiste de l'Argentine, elle veut avoir accès aux créanciers, et pour cela elle s'est engagée à rembourser les dettes qu'elle avait contractées avant même la crise de 2001. Le FMI récompense donc l'Argentine avec ce prêt. C'est osé, reconnaît l'économiste, mais il était difficile d'obtenir autrement des devises pour respecter ses obligations. »
« Vieilles recettes qui ne fonctionnent pas »
En échange de ce prêt, le FMI impose à l'Argentine des mesures d'austérité très douloureuses. Pour tenter d'équilibrer ses finances, le gouvernement coupe les subventions dans l'énergie, l'eau, les transports. Résultat : les prix atteignent des sommets, la population -plus de 30% de pauvres- ne peut plus rien se payer. Un scénario que l'Argentine avait déjà connu lors de la crise du début des années 2000 : mêmes ingrédients (dette et inflation), mêmes acteurs, à commencer par le FMI, et mêmes erreurs... En fait d'erreurs, Jean-François Ponsot parle carrément d'un « retour en arrière », d'une « régression » de la part du FMI.
« Ces derniers temps, on a l'impression d'un retour au vieux dogme néolibéral, aux vieilles recettes, explique ce spécialiste des questions monétaires et financières à l'Université de Grenoble, qui n'épargne pas l'institution de Bretton Woods. On met en place des programmes d'ajustement structurels qui sont très anciens dans leur conception, comme dans les années 80-90. On sait que ça ne fonctionne pas mais on les met quand même en place. On voit donc à nouveau, avec le cas argentin, que cela ne fonctionne pas. »
Responsabilités partagées
Le FMI n'a pas appliqué les bonnes recettes. A posteriori, difficile de ne pas le constater. Mais l'Argentine est un pays souverain, et le président Macri a fait ses propres choix politiques, en menant une politique néolibérale dite « gradualiste », que l'économiste Jean-François Ponsot assimile à un « échec total » « Macri voulait réduire la dette publique, analyse-t-il, elle a finalement augmenté ; entre son élection et aujourd'hui, la dette extérieure est passée de 52 à 89% du PIB ; l'inflation est repartie à la hausse, elle atteint aujourd'hui plus de 50%. Sur la politique du taux de change, c'est-à-dire le rapport du peso argentin et des devises internationales, là aussi il a échoué ! Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il s'est enorgueilli de mettre fin au contrôle des changes, mais la mesure qu'il a été obligé de prendre récemment, c'est justement de rétablir ce contrôle des changes ! »
L'économie argentine est structurellement très dépendante du cours des matières premières - soja et viande notamment. Elle est aussi très exposée à la valeur du dollar. Lorsqu'il arrive au pouvoir, en 2015, le président Macri hérite donc d'une Argentine déjà endettée.
Le problème, selon l'économiste Gabriel Gimenez-Roche, c'est justement qu'il a évité le problème : « Ce qu'il fallait, c'était arrêter les deficits. Pour cela, soit on augmente les impôts, soit on diminue les dépenses : Macri n'a choisi ni l'un ni l'autre. Il a ouvert les marchés et s'est engagé auprès des créanciers internationaux, sans atteindre l'équilibre budgétaire. Évidemment, les investisseurs ne font pas encore confiance à l'Argentine, donc la pluie de dollars promise à ses électeurs n'est jamais arrivée. Par contre, le déficit est toujours là, et il s'est creusé. »
Présidentielle à venir
Au début des années 2000, des centaines de milliers d'Argentins étaient descendus dans les rues pour protester contre le FMI. Il y avait même eu des morts. Aujourd'hui, le gouvernement tente de limiter la colère populaire et surtout de gagner du temps, jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Ce sera le 27 octobre, et le favori n'est pas le libéral Mauricio Macri mais Alberto Fernandez. Un péroniste perçu par ses futurs interlocuteurs du FMI au pire comme un populiste, au mieux comme un dangereux gauchiste.
Aujourd'hui, l'échec de ce prêt est patent. Le Nobel de l'économie Paul Krugman dénonce un « manque de discernement ». Christine Lagarde, présidente du FMI à l'époque, reconnaît plus sobrement avoir « sous-estimé » le cas argentin. Au printemps 2018, le FMI essaie pourtant d'aider l'Argentine à retrouver la confiance des investisseurs, qu'elle a perdue depuis la crise du début des années 2000. « L'Argentine veut alors revenir au marché des capitaux internationaux, rappelle Gabriel Gimenez-Roche, professeur d'économie à l'école de commerce Neoma et spécialiste de l'Argentine, elle veut avoir accès aux créanciers, et pour cela elle s'est engagée à rembourser les dettes qu'elle avait contractées avant même la crise de 2001. Le FMI récompense donc l'Argentine avec ce prêt. C'est osé, reconnaît l'économiste, mais il était difficile d'obtenir autrement des devises pour respecter ses obligations. »
« Vieilles recettes qui ne fonctionnent pas »
En échange de ce prêt, le FMI impose à l'Argentine des mesures d'austérité très douloureuses. Pour tenter d'équilibrer ses finances, le gouvernement coupe les subventions dans l'énergie, l'eau, les transports. Résultat : les prix atteignent des sommets, la population -plus de 30% de pauvres- ne peut plus rien se payer. Un scénario que l'Argentine avait déjà connu lors de la crise du début des années 2000 : mêmes ingrédients (dette et inflation), mêmes acteurs, à commencer par le FMI, et mêmes erreurs... En fait d'erreurs, Jean-François Ponsot parle carrément d'un « retour en arrière », d'une « régression » de la part du FMI.
« Ces derniers temps, on a l'impression d'un retour au vieux dogme néolibéral, aux vieilles recettes, explique ce spécialiste des questions monétaires et financières à l'Université de Grenoble, qui n'épargne pas l'institution de Bretton Woods. On met en place des programmes d'ajustement structurels qui sont très anciens dans leur conception, comme dans les années 80-90. On sait que ça ne fonctionne pas mais on les met quand même en place. On voit donc à nouveau, avec le cas argentin, que cela ne fonctionne pas. »
Responsabilités partagées
Le FMI n'a pas appliqué les bonnes recettes. A posteriori, difficile de ne pas le constater. Mais l'Argentine est un pays souverain, et le président Macri a fait ses propres choix politiques, en menant une politique néolibérale dite « gradualiste », que l'économiste Jean-François Ponsot assimile à un « échec total » « Macri voulait réduire la dette publique, analyse-t-il, elle a finalement augmenté ; entre son élection et aujourd'hui, la dette extérieure est passée de 52 à 89% du PIB ; l'inflation est repartie à la hausse, elle atteint aujourd'hui plus de 50%. Sur la politique du taux de change, c'est-à-dire le rapport du peso argentin et des devises internationales, là aussi il a échoué ! Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il s'est enorgueilli de mettre fin au contrôle des changes, mais la mesure qu'il a été obligé de prendre récemment, c'est justement de rétablir ce contrôle des changes ! »
L'économie argentine est structurellement très dépendante du cours des matières premières - soja et viande notamment. Elle est aussi très exposée à la valeur du dollar. Lorsqu'il arrive au pouvoir, en 2015, le président Macri hérite donc d'une Argentine déjà endettée.
Le problème, selon l'économiste Gabriel Gimenez-Roche, c'est justement qu'il a évité le problème : « Ce qu'il fallait, c'était arrêter les deficits. Pour cela, soit on augmente les impôts, soit on diminue les dépenses : Macri n'a choisi ni l'un ni l'autre. Il a ouvert les marchés et s'est engagé auprès des créanciers internationaux, sans atteindre l'équilibre budgétaire. Évidemment, les investisseurs ne font pas encore confiance à l'Argentine, donc la pluie de dollars promise à ses électeurs n'est jamais arrivée. Par contre, le déficit est toujours là, et il s'est creusé. »
Présidentielle à venir
Au début des années 2000, des centaines de milliers d'Argentins étaient descendus dans les rues pour protester contre le FMI. Il y avait même eu des morts. Aujourd'hui, le gouvernement tente de limiter la colère populaire et surtout de gagner du temps, jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Ce sera le 27 octobre, et le favori n'est pas le libéral Mauricio Macri mais Alberto Fernandez. Un péroniste perçu par ses futurs interlocuteurs du FMI au pire comme un populiste, au mieux comme un dangereux gauchiste.
Autres articles
-
Attentat-suicide au Pakistan: des Japonais auraient été confondus avec des Chinois
-
Le Président Bassirou Diomaye « responsabilise » le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba
-
Paris : un homme interpellé après avoir menacé de se faire exploser dans le consulat d'Iran
-
🛑 [DIRECT] Parlons d'actualités dans votre bloc d'information MidiKeng avec Ibrahima KABA, Economiste
-
Kenya: le chef des armées tué dans un crash d'hélicoptère, trois jours de deuil national