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Kigali souhaite poursuivre la normalisation des échanges avec Paris

Paul Kagame, le président du Rwanda, est en visite officielle en France, et doit rencontrer, ce lundi 12 septembre, son homologue Nicolas Sarkozy. L’instant a tout d’historique : il s’agit de la première visite dans l’Hexagone du chef de l’Etat rwandais depuis le génocide de 1994. Mais cette venue crée également la polémique. Plusieurs voix se sont élevées, à droite et dans l’armée, pour demander à l’Elysée de ne pas recevoir le président rwandais. Pour Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères, cette visite est le signe de la poursuite de la normalisation des échanges entre les deux pays.



Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, accompagnée de Henri de Raincourt, ministre délégué à la Coopération Ministère des Affaires étrangères
Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, accompagnée de Henri de Raincourt, ministre délégué à la Coopération Ministère des Affaires étrangères
RFI : Louise Mushikiwabo, qu’attend le président Kagame des autorités françaises et du président Sarkozy en particulier ?

Louise Mushikiwabo : Tout d’abord qu’il signale un pas de plus dans le processus de normalisation. Deuxièmement, c’est pour nous une opportunité de dire aux Français et à la France que le Rwanda d’aujourd’hui est un pays différent de ce que vous imaginez. Troisièmement, nous voulons faire des affaires avec la France.

Attendez-vous toujours des autorités françaises qu’elles présentent des excuses pour leur attitude durant le génocide ?

Ce n’est pas à nous, Rwandais, de dire aux Français ce qu’il faut faire. C’est aux Français, le moment venu, quand ils en seront convaincus, de dire ce qu’ils pensent par rapport à l’histoire du génocide et du Rwanda en général.

C’est une visite qui intervient au moment où les relations entre Kigali et Washington semblent se dégrader (la Maison Blanche a émis de vives critiques sur le sort d'opposants à la présidence). L’entrevue parisienne du président avec son homologue français serait-elle un moyen de rééquilibrer les relations du Rwanda avec ses partenaires étrangers ?

Les relations entre Washington et Kigali n’ont pas changé (…). Il y a des critiques (…), il est d’ailleurs normal que nos partenaires et nos amis puissent nous critiquer (…). Cela nous permet de garder la tête froide. Il n’y a rien aujourd’hui permettant de dire que Washington change de position donc que le Rwanda essaie de rééquilibrer ses relations.

La visite de Kagame divise la droite française (le général Lafourcade, qui a dirigé l’opération Turquoise, estime que Paul Kagame a insulté l’armée française et que la France ne doit donc pas l’accueillir sur son sol). Qu’en pensez-vous ?

Au Rwanda, avant et pendant la préparation du génocide, nous avions des conseillers politiques du président Habyarimana, des agents de renseignement des services secrets, des formateurs militaires de l’armée, armée qui par la suite a commis le génocide. Donc je pense qu’il est presque impossible de dire : « Personne, du côté français n’a été impliqué ». Reste à voir à quel niveau les gens étaient impliqués. Je pense que pour ces hommes qui se sentent attaqués ou blessés, il serait peut-être mieux d’essayer de montrer qu’ils n’ont pas été impliqués plutôt que de continuer à essayer de nier, à changer l’histoire.

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, ne souhaitait pas rencontrer le président Kagame. Que vous inspire cette position ?

Cette démarche de rapprochement est, pour nous, une démarche d’Etat à Etat. Nous ne prêtons pas attention à tel ou tel individu qui est contre cette normalisation. S’il se faisait que nous n’arrivions pas à avoir d’interlocuteurs en France, cela serait un problème. (Or) jusqu’à présent, tout se passe bien.

Que répondez-vous à ceux qui critiquent le Rwanda en disant que le pays s’éloigne de plus en plus d’une démocratie, et preuve en est, le procès fait à Victoire Ingabire qui n’a pas pu se présenter à l’élection présidentielle de 2010 ? Beaucoup de défenseurs des droits de l’homme en France, comme ailleurs, estiment que le Rwanda est en train de basculer dans l’autocratisme.

Nous rejetons cela. On ne peut pas nous convaincre aujourd’hui que (dans) un pays comme le Rwanda, en l’espace de 17 ans, après un génocide, où 56 % de femmes sont au Parlement, où 96% des Rwandais bénéficient d’une couverture médicale, où toute la classe dirigeante se rencontre une fois par an, depuis le président de la République jusqu’au plus bas niveau des conseillers municipaux, les gens n’ont pas de droit, n’ont pas d’espace politique.

Mais pourquoi, lors de l’élection de 2010, les trois candidats qui étaient face à Paul Kagame étaient des anciens alliés du président et que ceux qui, au contraire, ne l’étaient pas, n’ont pas pu se présenter ?

Le président Kagame vient du Front patriotique rwandais qui a arrêté le génocide, libéré, reconstruit et stabilisé le pays. Donc il n’est pas étonnant qu’il soit un candidat très fort.

Cela lui donne-t-il le droit d’être président à vie ?

Le président Kagame n’a aucunement l’intention de rester président à vie. Il y a une Constitution. Il respecte cette Constitution. Par contre, Victoire Ingabire et les autres aspirants politiques, ont un chemin à suivre, comme tous les autres partis politiques. Ce n’est pas parce que l’on est versé dans la controverse qu’on devient automatiquement légitime. Victoire Ingabire est accusée de crimes très graves. Elle a des droits. Elle va passer devant le tribunal. Si elle n’est pas coupable, nous le verrons à son procès, qui se passe en plein jour.


Lundi 12 Septembre 2011 - 16:15


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