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La Covid- 19 rend la vision trouble... dans les cabinets de voyance

​Déclarée comme une pandémie depuis le mois de mars dernier par l’OMS, la maladie du Coronavirus, plus connue sous le nom de Covid -19, continue de faire des ravages dans le monde aussi bien au niveau humain qu’économique. Certaines Pme et Pmi ont tout simplement décidé de fermer boutiques là ou d’autres vivotent. Au Sénégal, certains cabinets de voyance réputés et qui faisaient de gros chiffres d’affaire journaliers ont vu leurs affaires chuter de manière drastique. Le « Témoin » a fait un saut dans le paysage de ces « scruteurs » d’avenir.



La Covid- 19 rend la vision trouble... dans les cabinets de voyance
L’homme a toujours cohabité de manière intense avec certaines croyances ancestrales. Au Sénégal, les voyants, considérés comme des « scruteurs » d’avenir, sentaient leurs activités fouettées par un regain d’attention surtout à l’approche d’élections , lors des compétitions internationales de football et autres combats de lutte. Les Sénégalais, friands de ces séances de divination, aiment connaître l‘issue d’une compétition de football, d’un combat de lutte ou d’une élection.

Dans un passé récent, la maison de M. Kâ grouillait de monde. En réalité, ce voyant très connu par la gent féminine au niveau de la banlieue de Pikine, plus précisément à Diack Sao 2, n’habite pas dans la maison où elle fait son business. Il y a loué une chambre qui lui sert de cabinet de voyance. Lui, il habite à Yeumbeul, route de Boune, à quelques pas du camp militaire sur une ruelle sablonneuse. Au fond de cette rue, une jolie bâtisse carrelée sur la façade extérieure attire l’attention du visiteur. On pourrait penser que ce joyau architectural appartiendrait à un haut fonctionnaire de l’administration sénégalaise du fait de la beauté des lieux.
"Je gagnais avant l’apparition de la maladie au moins 100 mille FCfa par jour... avant l'apparition du Coronavirus" 
A l’intérieur, un homme, petit de taille, le teint clair et vêtu d’un caftan jaunâtre avec une chevelure ébouriffée se présente à nous. Le jour de notre visite correspondait à son jour de repos. « Je suis dans mon cabinet de 09 heures à 19 heures et presque tous les jours de la semaine. C’est normal que je prenne un jour pour me consacrer à ma famille et voir mes enfants » a-t-il expliqué d’emblée. A la question de savoir comment il vit le couvre-feu et la pandémie du Covid 10 qui sévit à travers le monde, M. Kâ, d’un air désolé avoue. « On est tous impuissants face à cette maladie qui est également mortelle. Ma clientèle ainsi que mon chiffre d’affaire ont connu une baisse considérable. Je gagnais avant l’apparition de la maladie au moins 100 mille FCfa par jour en raison de 2000 F Cfa par personne. Mais les tarifs changent si la consultation s’effectue par téléphone. C’est avec ce travail que j’ai réussi à construire cette maison puis payer la scolarité de mes enfants et surtout les études de ma fille aînée qui termine cette année sa dernière année en gestion dans un institut de la place » a-t-il ajouté.

Du fait de la pandémie, les clients se font désirer et certains qui se présentent sont soumis aux rigueurs des lois barrières. Quant à S. Diouf, une descendante de Saltigués , habitant Keur Mbaye Fall, sa consultation est fixée à 5000 FCFA. Venue de son Ndiouroup natal pour suivre son mari, alors journalier dans une société de literie au niveau de la zone franche industrielle de Dakar, les difficultés de l’entreprise de son époux, qui a fini par mettre la clé sous le paillasson, l’ont poussée à s’investir dans la voyance. Une pratique héritée de ses ancêtres. Avec cette activité, elle fait vivre sa famille. Sa popularité s’est forgée au cours des années avec certains combats de lutte pour lesquels ses pronostics étaient sans appel. « Ce fut le cas lors du combat qui avait opposé Balla Gaye 2 et Tapha Tine où mes prédictions donnant le fils de Double Less vainqueur se sont révélées exactes et tant d’autres…» a-t-elle fait remarquer.

Adepte des cauris, la voyante déclare qu’elle a une clientèle diverse et cosmopolite. « Avant l’apparition de la maladie, ma maison fourmillait de monde. J’avais un chiffre d’affaire journalier de 150 mille F Cfa. J’arrivais à régler mes problèmes et ceux de mes voisins immédiats. Il y a beaucoup parmi eux à qui je donnais la dépense quotidienne. Avec la venue de cette malheureuse maladie, j’arrive difficilement à joindre les deux bouts. Les hommes en bleu passent presque journellement à la maison pour voir s’il y a attroupement» a-t-elle rouspété.
Même décor chez F. Ndoye, une jumelle d’environ une trentaine d’années qui habite Bargny, derrière la voie ferrée. Elle effectue ses voyances dans une calebasse pleine d’eau. Elle soutient que le Covid- 19 va vers leur perte, si elle perdure. « Vous voyez, tous ces bancs au dehors étaient occupés par des clients en quête d’un avenir meilleur. Aujourd’hui, du fait de la maladie et de l’interdiction des rassemblements, mon chiffre d’affaire journalier a chuté drastiquement » a-t-elle relevé sans pour autant préciser le montant de la perte financière.

D’autres créneaux pour survivre
Les devins classiques qui attendent la venue de clients pour procéder à leur exercice de consultation verront le marché juteux leur échapper si jamais, ils ne revoient pas leur façon de pratiquer leur business. Ainsi pour contourner le couvre-feu, certains voyants avertis usent des nouvelles technologies pour éviter les rassemblements. « J’ai acheté trois portables tactiles. Mes enfants m’ont installé beaucoup d’applications dont WhastApp, Imo, Skype etc., pour me permettre de faire mes consultations. il faut signaler que ce genre de procédés est plus cher. il suffit de me donner votre nom et celui de votre maman afin que je puisse vous scruter votre avenir » a confessé F. Niang de Keur Massar.
Selon l’oracle, avec cette trouvaille, elle a élargi sa clientèle. « Aujourd’hui, je fais des consultations avec des gens qui sont en Europe, aux Usa (…) c’est avec ce travail que j’ai pu payer le billet pour mon fils aîné qui étudie actuellement en France et son cadet actuellement en Italie pour faire le Modou-Modou » a-t-elle ajouté.
"Voyance par WhatsApp, Skype et Imo"
Le créneau est également investi par les médias. Saphir Fm, par exemple, s’est spécialisée dans la voyance en direct. Cette fréquence radio pratique à longueur de journée des séances de divination. Les médiums se relaient à l’antenne pour répondre aux sollicitations d’une large clientèle. Le nom et l’âge du client sont les seuls éléments d’information fournis aux voyants. Suffisant pour permettre à la devineresse de lire l’avenir du correspondant au bout du fil. Pour se remplir les poches par le biais du serveur vocal, l’astuce consiste à maintenir le plus longtemps possible le client en ligne en lui livrant parfois des secrets sur sa vie privée ou professionnelle.

A signaler que contrairement à d’autres secteurs d’activités, celui de la voyance échappe à la régulation et au contrôle de l’Etat. Cette activité, bannie par la religion musulmane dont se réclament plus de 95% de la population Sénégalaise est solidement ancrée dans notre culture. Les prêches des oustaz et autres hommes de Dieu ne peuvent pas détourner les Sénégalais de cette croyance. C’est pourquoi la plupart des adeptes de ces séances divinatoires sont souvent exposés aux escrocs cupides et sans morale. Les multiples cas d’escroqueries mettant en cause des voyants et autres charlatans pullulent au niveau des tribunaux et sont un solide indicateur du degré de pourrissement de ce milieu.

Le Témoin


Mardi 19 Mai 2020 - 11:32


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