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Pollution plastique: à Genève, un multilatéralisme moribond à l’épreuve d’une «crise mondiale»

La crise mondiale de la pollution plastique mondiale est au centre de l'attention des représentants de près de 180 pays réunis à Genève sous l'égide de l'ONU. Ils ont dix jours pour tenter d'écrire le premier traité mondial, visant à réduire le fléau de la pollution plastique. Pas simple, quand on connaît l’opposition féroce des pays pétroliers pour lesquels le plastique est une source de revenus cruciale, surtout à l’heure de la voiture électrique.



Certains l'appellent d'ores et déjà « la négociation de la dernière chance » : à Genève, en Suisse, les représentants de près de 180 pays sont réunis depuis ce matin pour écrire ensemble le premier traité mondial contre la pollution plastique. L'Équatorien Luis Vayas Valdivieso, qui préside les débats, a rappelé qu'il s'agissait d'un « moment historique face à une crise mondiale ».
 
En effet, le texte est en débat depuis trois ans. Avec toujours ce même bras de fer entre une centaine de pays qui réclament un traité ambitieux qui réduit la production de plastique et un groupe de pays producteurs de pétrole qui bloque jusqu'à présent.
 
L'Afrique est l'un des moteurs de ces négociations. Le continent ne produit que 5% du plastique dans le monde et n'en consomme que 4% et pourtant le contient est exposée de façon disproportionnée aux conséquences de la pollution aux plastiques, notamment parce que les occidentaux se débarrassent de leurs montagnes de déchets plastiques en les envoyant dans des pays africains. Pas étonnant donc que la société civile africaine se soit saisie de ce sujet - qui menace la santé publique et environnementale - et qu'elle ait poussé les dirigeants politiques à s'engager pour un traité international contraignant et ambitieux.
 
« L'heure est aux mesures concrètes et partagées »
Selon le bureau chargé de mener les débats, la possibilité d’obtenir enfin un traité sur la pollution plastique mondiale est bien réelle, raconte le correspondant de RFI à Genève, Jérémie Lanche. Le président du comité de négociation, Luis Vayas Valdivieso, s’est dit convaincu qu’il y a assez de volonté politique pour qu’on surmonte les blocages.
 
« La pollution plastique détruit nos écosystèmes, nos rivières, nos mers. Elle menace la biodiversité et la santé humaine et elle affecte les populations les plus vulnérables. Et ce n'est pas une catastrophe naturelle qui a créé cette crise. Ce sont nos modes de vie, nos habitudes et notre système qui sont responsables. L'heure est aux mesures concrètes et partagées, pas aux demandes maximalistes. Il faut qu'on arrête de pointer du doigt certains États pour se consacrer aux solutions pragmatiques. Nous devons accepter que le bien commun n'est pas contraire aux intérêts nationaux », a développé l'Équatorien Luis Vayas Valdivieso, tentant de ménager toutes les susceptibilités à l’ouverture des débats.
 
Le chemin est étroit, a poursuivi la directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen, mais il y a de la place pour repartir de Genève avec un traité. À plus forte raison parce que c’est ici que le multilatéralisme est né, a-t-elle ajouté. Sur le papier, elle a raison. Mais c’est oublier que le multilatéralisme est en crise et que ça fait longtemps que Genève n’a pas accouché d’un texte international contraignant de grande ampleur.  « Est-ce que les choses vont être faciles ? Non. Est-ce qu'elles seront simples ? Non. Y a-t-il de la complexité ? Oui. Est-ce qu'il y a un chemin pour arriver à un traité ? Absolument », a martelé la diplomate danoise.
 
L'influence des lobbys dénoncée
Dès la fin des discours officiels, on est d’ailleurs rentré dans le dur. Avec la multiplication des points de procédure de la part des pays considérés comme bloquants les discussions. Le groupe des pays arabe a par exemple demandé que le sujet de la limitation de la production de plastique, qualifié de controversé par ces pays, soit débattu en marge des négociations. Preuve s’il en fallait une, que les pays pétroliers ne lâcheront rien. Et que les négociations seront tendues jusqu’au bout.
 
En effet, lors des dernières sessions, les discussions avaient tourné court en raison de la position d'une dizaine de pays producteurs de plastique et de pétrole, dont les polymères sont un dérivé. Autres acteurs très présents qui veulent empêcher un traité trop ambitieux contre le plastique : les entreprises de la pétrochimie et celles de l'industrie des boissons en bouteilles plastiques.
 
Laurianne Trimoulla, porte-parole de la Fondation Gallifrey qui lutte contre le plastique dans les océans, dénonce, au micro de RFI, leur présence au sein de l'arène diplomatique : « Lors du dernier tour de négociations à Busan, on a compté 221 lobbyistes de l'industrie de la pétrochimie. S'ils étaient une délégation à eux seuls, ce serait la plus forte délégation de tous. Sachant qu'en comparaison, la délégation de l'Union européenne et de tous ses États membres, c'était 191 personnes. Ce n'est pas normal d'avoir ces personnes à la table des négociations, parce qu'ils ont accès à des informations et des conversations hautement sensibles, hautement confidentielles, parce que certains industriels ont infiltré certaines délégations lors des négociations. Je parle de délégations de pays. Et donc ils peuvent utiliser ces informations dans leurs intérêts commerciaux. Donc, il y a un énorme conflit d'intérêts. Pour faire une comparaison un peu osée, c'est comme si vous invitiez des fabricants d'armes à un traité de négociations sur la paix ».

RFI

Mardi 5 Août 2025 - 14:46


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