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Tiebilé Dramé : «On fait du fétichisme autour de la date du 28 juillet»

Coup de théâtre au Mali. Le candidat Tiébilé Dramé se retire de la course à la présidence. Le président du Parena en profite pour décocher des flèches contre le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qu'il surnomme le « directeur des élections au Mali ». En ligne de Bamako, l'un des artisans de l'accord de Ouagadougou entre le pouvoir malien et les rebelles touaregs répond aux questions de Christophe Boisbouvier.



Tiebilé Dramé : «On fait du fétichisme autour de la date du 28 juillet»

RFI : Pourquoi retirez-vous votre candidature  ?

Tiebilé Dramé : Parce qu’il me semble que les conditions d’une élection régulière et crédible ne sont pas réunies pour le 28 juillet. Les habitants de Kidal sont des Maliens et doivent prendre part au choix du président de la République.

Il y a un mois à Ouagadougou vous avez été l’un des architectes de l’accord sur Kidal qui prévoyait notamment dans son préambule une élection en juillet. Pourquoi avez-vous changé d’avis ?

Le gouvernement du Mali a envisagé de tenir l’élection en juillet. Au fur et à mesure que nous approchons de cette date, des difficultés de toute nature sont apparues et il n’est pas possible de les résoudre avant le 28 juillet. Qu’on me dise si le préfet et les sous-préfets du cercle de Tessalit sont en place à Tessalit, si ceux de Tin-Essako sont en place à Tin-Essako, si ceux d’Abeibara sont en place à Abeibara. Moi je ne comprends pas cette précipitation à vouloir coûte que coûte faire cette élection le 28 juillet, au risque de tenir de très nombreux Maliens à l’écart du processus électoral.

Oui, mais le gouverneur est revenu sur place il y a quelques jours et si des bureaux de vote ouvrent effectivement ce 28 juillet à Kidal, est-ce que l’essentiel ne sera pas assuré ?

Si vous voulez organiser des élections symboliques à Kidal pour donner l’impression au peuple malien et à la communauté internationale qu’il y a eu vote à Kidal, à ce moment, on peut se contenter de n’importe quel bricolage. Mais il s’agit d’une région qui a été l’épicentre de l’instabilité au Mali, c’est une région dont la crise a précipité le Mali au fond du précipice.
 

Une fois l'accord trouvé, nous aurions dû prendre un temps suffisant pour organiser le retour de l’Etat malien. Il y a un démembrement de l’Etat malien dans la région de Kidal. Vous savez, vous avez des cartes Nina [cartes biométriques d'électeurs, ndlr] qui ont été distribuées aux Maliens sans indications de bureaux de vote.

Et vous avez des Maliens qui ont été enregistrés dans le fichier biométrique, qui disposent de leur récépissé, qui n’ont pas de carte Nina et qui ne sont pas sur les listes électorales.

Il y a plus de 460 villages au Mali où le nombre potentiel d’électeurs oscille entre 1 et 5, et vous avez dans la région parisienne, dans le célèbre foyer de la rue Bara où vivent plus de 800 Maliens majeurs, une liste électorale qui ne contient que 13 électeurs potentiels.

On fait du fétichisme autour de la date du 28 juillet, des élections coûte que coûte, au prix d’élections bâclées, en prenant le risque d’un chaos électoral le 28 juillet. Il faudra prendre le temps de faire des élections propres, crédibles, dont les résultats seront acceptés.

Mais franchement Tiébilé Dramé, est-ce que la prochaine élection ne sera pas plus équitable que celle où vous avez officiellement été écrasé par Amadou Toumani Touré avec 3 % des voix ?

C’est vous qui rappelez cette élection de 2007. Quand ils ont proclamé les résultats et qu’on a fait les totaux on était à 106 %. Alors si la référence pour vous c’est l’élection de 2007, à ce moment-là, on peut faire des élections. Mais il y a un risque, c’est de considérer le Mali comme une république bananière tropicale où toutes les pratiques sont possibles, y compris des élections totalement bâclées. Aurait-on dit la même chose s’il s’agissait de l’Allemagne ou de l’Espagne ? Je ne comprends pas pourquoi on pousse les Maliens à cette extrémité.
 

La date du 28 juillet c’est aussi le fruit de fortes pressions de la France, et vous dites que Laurent Fabius est devenu le « directeur des élections au Mali ». Pourquoi vous en prenez vous précisément au ministre français des Affaires étrangères ?

Il y a plusieurs responsables français qui se sont prononcés sur ces élections. Il se trouve que le ministre des Affaires étrangères est allé un peu plus loin en parlant de l’organisation du vote dans les camps de réfugiés, du vote des déplacés internes, du vote dans Paris et hors de Paris, en province. Moi je crains simplement qu’il n’assume, par ses déclarations, les fonctions du directeur général des élections au Mali. On peut aider un pays à se libérer en respectant la dignité de son peuple.

La semaine dernière, Laurent Fabius a déclaré que les hommes politiques maliens qui contestaient cette date du 28 juillet n’étaient pas des poids lourds sur la scène politique malienne. Est-ce que vous vous êtes senti visé ?

C’est une maladresse de plus de sa part, cela veut dire qu’il s’immisce, qu’il détermine à l’avance qui sont les poids lourds et qui ne le sont pas. Or chacun sait que cette élection est loin d’être jouée à l’avance, et bien malin celui qui sait qui va être élu en cas d’élection régulière et transparente. Ce qui est important, c’est qu’il sache que les Maliens n’ont pas aimé cette façon de s’immiscer dans la vie politique intérieure de notre pays.

Et que répondez-vous à ceux qui disent que vous vous retirez pour ne pas affronter la vérité des urnes, qui ne vous serait pas favorable ?

En 2002 nous étions 23 candidats, je suis arrivé quatrième ; en 2007 nous étions une dizaine de candidats, je suis arrivé troisième. Moi je n’ai pas peur de l’élection, je connais les batailles électorales, je suis en train de poser des vrais problèmes de fond pour la stabilité du Mali. C’est dommage que l’on ramène le débat à ce niveau-là.

Tiébilé Dramé, voterez-vous le 28 juillet ?

Dès l’instant où nous nous sommes retirés du processus électoral, il va de soi que mon parti et nos alliés ne donneront pas de consignes de vote, mais nous n’appelons pas au boycott du scrutin.

Donc en pratique, dimanche 28 juillet vous ne voterez pas ?

Tout à fait, c’est la ligne du Parena. Pour autant, je ne contesterai pas les résultats qui sortiront de ces urnes.

Et irez-vous à la cérémonie d’investiture du futur président ?

Bien entendu, si le protocole de la présidence de la République n’oublie pas de m’inviter. Je ne suis pas dans une position négative vis-à-vis de mon pays, vous connaissez mon implication dans la résolution de cette grave crise. Je reste un citoyen malien, attaché à ce que le Mali sorte de cette crise dans les meilleures conditions.
Propos recueillis par RFI



Jeudi 18 Juillet 2013 - 12:31


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