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Liban: le nouveau Premier ministre Tammam Salam marque le retour de l'influence saoudienne

La désignation de Tammam Salam au poste de Premier ministre du Liban illustre le retour de l'influence saoudienne, aux dépens du rôle irano-syrien. Le soutien des chiites à sa nomination fait baisser la tension mais ne règle pas la crise. À l'issue de sa désignation, il s’est engagé à œuvrer avec toutes les forces politiques «pour le bien du Liban».



Liban: le nouveau Premier ministre Tammam Salam marque le retour de l'influence saoudienne

Tamman Salam (67 ans) est issu d'une grande famille politique sunnite beyrouthine qui a joué un rôle-clé dans l'histoire contemporaine du Liban. Son père, Saëb Salam, a occupé le poste de Premier ministre à plusieurs reprises. Traditionnellement proche de l'Arabie Saoudite, le père était l'un des principaux acteurs politiques du pays dans les années 1950, 1960 et 1970 du siècle dernier.

Mais pendant la guerre civile (1975-1990), il a été marginalisé par la Syrie, qui a envoyé ses troupes au Liban en 1976 pour éviter une défaite des chrétiens face à la gauche libanaise, alliée des Palestiniens. À cette époque, les sunnites étaient, en majorité, pro-palestiniens.

Les relations de Tamman Salam avec la Syrie connaissent des hauts et des bas après la fin de la guerre civile. En 1992, il est l'une des rares personnalités politiques musulmanes à se solidariser avec les chrétiens qui avaient décidé de boycotter les élections législatives. Ce scrutin avait consacré la tutelle syrienne sur le Liban, avec la bénédiction des Arabes et des pays occidentaux. Ce n'est qu'en 1996 que ses relations avec Damas s'améliorent. Cette année-là, il est élu député de Beyrouth sur une liste rivale de celle de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, devenu entre temps le poulain de l'Arabie Saoudite.

Lors des élections de l'an 2000, sa liste est sévèrement battue par celle de Rafic Hariri. C'est ensuite une longue traversée du désert qui s'achèvera en 2007, deux ans après l'assassinat de Rafic Hariri. Tammam Salam se rapproche alors de Saad Hariri, fils et héritier politique de l'ancien Premier ministre et du député de Beyrouth Walid Eido (membre de la liste Hariri).

Son retour sur la scène politique s'opère l'année suivante, lorsqu'il est nommé ministre de la Culture dans le gouvernement d'union nationale de Fouad Siniora. Il est alors l'un des représentants du mouvement anti-syrien du 14 mars. Son rapprochement avec Saad Hariri est couronné par son intégration à la liste électorale de ce dernier lors des élections de 2009, ce qui lui permet d'être élu député de Beyrouth.

Une marge de manœuvre

Tammam Salam est donc un allié de Saad Hariri. Mais le fait qu'il appartienne à une grande famille beyrouthine et que sa carrière politique ait commencé bien avant celle de l'ancien Premier ministre lui confère une certaine marge de manœuvre qui faisait défaut à Fouad Siniora.

Le nouveau Premier ministre est considéré comme un sunnite modéré, attaché à la convivialité islamo-chrétienne et au pacte national libanais qui régit les relations politiques entre les communautés libanaises.

Sur un plan stratégique, la désignation de Tammam Salam illustre une recomposition du paysage et des alliances politiques au Liban, marquée par un retour de l'influence de l'Arabie Saoudite, qui avait adopté un profil bas depuis l'éviction de Saad Hariri, en janvier 2011, et un recul relatif du rôle iranien et, bien entendu, syrien.

Bien qu'il soit le candidat officiel de l'opposition, Tamman Salam a été quasiment plébiscité par l'ensemble de la classe politique, y compris l'ancienne majorité regroupée autour du Hezbollah et du parti chrétien de Michel Aoun. Ce soutien presque unanime (il a obtenu les voix de 124 députés sur les 128 que compte le Parlement) a été rendu possible parce qu'il n'est pas perçu comme un candidat de confrontation ou de défi par les autres acteurs de l'échiquier politique.

Saad Hariri avait d'abord proposé un autre candidat, le chef des Forces de sécurité intérieure (Gendarmerie), le général Achraf Rifi, dont la prorogation du mandat vient tout juste d'être refusée par le Hezbollah et ses alliés (c'est d'ailleurs l'une des raisons qui ont poussé Najib Mikati à la démission). Mais le leader druze, Walid Joumblatt, a refusé d'appuyer cette candidature. Or, sans le soutien du bloc parlementaire de Joumblatt, surnommé au Liban le « faiseur de roi », l'opposition n'aurait pas réussi à faire passer con candidat. Saad Hariri, et avec lui l'Arabie Saoudite, ont finalement été convaincus que les circonstances et les rapports de forces actuels au Liban nécessitent un choix qui ne serait pas considéré, par le Hezbollah et ses alliés, comme une provocation.

La tension baisse, la crise continue

Le fait que les chiites aient finalement décidé d'appuyer le choix de Saad Hariri, et abandonné l'idée de proposer leur propre candidat, contribue à apaiser les esprits. D'ailleurs, on ressent au Liban une baisse de la tension entre les deux grandes communautés musulmanes après que le pays ait frôlé la guerre civile ces dernières semaines.

Mais la crise politique dans laquelle se débat le Liban depuis le début des troubles en Syrie, il y a deux ans, n'en n'est pas pour autant réglée. Les vraies difficultés vont commencer après la désignation du Premier ministre, car le véritable enjeu réside dans la composition et le profil du prochain gouvernement.

L'opposition, qui s'apprête à revenir au pouvoir, souhaite un gouvernement de technocrates, chargé de superviser les prochaines élections législatives. Le Hezbollah et ses alliés plaident, eux, pour un cabinet d'union nationale, au sein duquel tous les partis seraient représentés. Tout dépendra de la position de Walid Joumblatt. Or, le leader druze a clairement dit, jeudi soir, qu'il ne participerait pas et n'accorderait pas sa confiance au Parlement à un cabinet monochrome.

La tâche de Tammam Salam s'avère particulièrement délicate et il en est conscient. Prenant la parole après sa désignation, samedi en début d'après-midi, il s’est engagé à œuvrer avec toutes les forces politiques « pour le bien du Liban ».

Entre un gouvernement de technocrates, de salut public ou d'union nationale, le nouveau Premier ministre, prudent, a déclaré vouloir former un « cabinet d’intérêt national ». Une expression vague qui ne l'engage en rien et n'en dit pas beaucoup sur ses intentions. Il a cependant précisé que la tâche principale de son gouvernement serait d'élaborer une loi électorale le plus vite possible, qui garantirait une « représentation équitable » de toutes les parties. Ce qui signifie que les élections, prévue le 16 juin sur la base d'une loi rejetée par l'ensemble des partis chrétiens, seront forcément reportées.


Dépêche

Dimanche 7 Avril 2013 - 13:26


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