Et dire qu’à l’origine, il se destinait à devenir médecin… « Doc’ Mutombo » ou « Prof’ Mutombo », cela aurait bien sonné. Mais pour ce géant venu du continent africain, l’histoire avait d’autres projets qu’une blouse blanche. Arrivé aux États-Unis à la fin des années 1980, Dikembe Mutombo, athlète accompli culminant à 2,18m, privilégia la balle orange au stéthoscope. Et c’est ainsi que débuta l’ascension du « Mount Mutombo ».
L’apprenti docteur devenu basketteur
Bien avant l’Amérique, Georgetown et les parquets nord-américains, tout commence en Afrique centrale. Dikembe Mutombo Mpolondo Mukamba Jean-Jacques Wamutombo – son nom complet – voit le jour à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), le 25 juin 1966, au sein d’une grande famille de l’ethnie Luba.
Le destin de cet étudiant appliqué – rien d’étonnant, avec un papa directeur d’école puis haut responsable dans l’Éducation – et sportif touche-à-tout bascule en 1987, quand le gouvernement américain lui propose une bourse universitaire. Le projet est que le jeune Dikembe Mutombo étudie la médecine aux États-Unis pour revenir la pratiquer plus tard en RDC. À 21 ans, le grand Congolais s’envole vers Washington DC, où une place l’attend à l’université de Georgetown.
Au pays de l’Oncle Sam, la taille du gaillard ne passe pas inaperçue. John Thompson, fameux entraîneur de l’équipe de basket universitaire de Georgetown, le convainc de rejoindre son escouade. Le coach a senti tout le potentiel du Kinois, en qui il voit un héritier du grand Bill Russell. Thompson convie même l’homme aux 11 sacres en NBA à venir parler à son jeune poulain.
« Bill Russell m’a dit : ’’Tu peux le faire’’. Il était là pour cinq jours et il m’a parlé trois ou quatre heures chaque journée. Cet homme était si intelligent. Il m’a convaincu que je pouvais y arriver », confiera Dikembe Mutombo à Sports Illustrated.
Installé comme pivot, le Congolais délaisse la médecine pour se consacrer au basket universitaire. Il brille avec Georgetown et forme une paire redoutable avec Alonzo Mourning, tout en obtenant son diplôme en linguistique – il maîtrise neuf langues – et en diplomatie. Sur le parquet, le cercle est son domaine où il règne. Nombre d’assaillants se brisent sur cette muraille défensive. En 1991, l’heure est venue de découvrir la National Basketball Association (NBA), la prestigieuse ligue nord-américaine de basket.
« Not in my house ! »
Dikembe Mutombo, 25 ans, est sélectionné en quatrième position de la draft (loterie de sélection des nouveaux joueurs) de l’année 1991. Choisi par les Denver Nuggets, il devient le troisième joueur africain à découvrir la NBA après le Nigérian Hakeem Olajuwon (drafté en 1984) et le Soudanais Manute Bol (drafté en 1985). Au quotidien L’Équipe, le Congolais dira avoir été « très inspiré » par ses deux aînés. « Hakeem Olajuwon est mon héros, mon idole. Il m’a tellement inspiré… De voir un autre Africain, qui dominait les matches comme cela en plus. Il nous a permis de voir plus loin », insistera-t-il.
À Denver, le rookie (débutant) fait forte impression dès ses débuts. Avec ses bras démesurés et son énergie, il s’impose comme un pivot de premier plan et comme l’un des meilleurs défenseurs de la ligue. L’apprentissage avec John Thompson a été fructueux. « Son identité, c’est les rebonds et les blocs », martelait l’entraîneur. La mise en pratique est parfaite : Dikembe Mutombo multiplie les contres et enchaîne les rebonds défensifs. Au sein d’une franchise limitée en talents, le joyau brille pendant cinq saisons et glane un premier titre de Meilleur défenseur de l’année 1995 en NBA.
En 1996, il rejoint Atlanta et poursuit son énorme travail en défense. Il y ajoute même sa signature : après avoir contré un adversaire, il secoue son index en signe de dénégation. C’est le « Mutombo Finger Wave », ou la petite provocation du Congolais qui signifie à son adversaire contré et frustré « Not in my house ! » (« Pas chez moi ! »). Un comportement qui fait le sel de la NBA et lui vaut un peu plus les faveurs du public, mais aussi quelques amendes. Sur les parquets, le n°55 est un enfer sous les paniers. Il est encore élu Meilleur défenseur en 1997 et 1998.
En 2001, les Philadelphia 76ers ont une inspiration : associer Dikembe Mutombo à leur fantastique meneur, Allen Iverson. La greffe réussit, le Congolais enlève un quatrième titre de Meilleur défenseur de l’année, et pour la première fois de sa carrière, il se retrouve en finales de la NBA. Mais les Sixers s’inclinent face aux Los Angeles Lakers de Shaquille O’Neal.
La suite de la carrière du « Mount Mutombo » est moins brillante. Il rejoint les New Jersey Nets pour la saison 2002-2003, mais blessé, il joue peu et son équipe perd en finale face aux San Antonio Spurs. Après une pige aux New York Knicks, le pivot s’en va terminer sa carrière chez les Houston Rockets, de 2004 à 2009. Là-bas, il épaule la star chinoise Yao Ming et s’offre encore quelques coups d’éclats et records de longévité. Dikembe Mutombo est finalement contraint de raccrocher à 43 ans, à cause d’une grosse blessure au genou gauche.
En 18 années, le géant de Kinshasa a réussi 3 289 contres, soit le deuxième meilleur total derrière Hakeem Olajuwon (3 830 contres). Il a aussi terminé à quatre reprises Meilleur défenseur de l’année, record partagé avec Ben Wallace, et a pris part au All-Star Game à huit reprises. Son maillot a été retiré par les Hawks et les Nuggets, et Dikembe Mutombo est entré au Hall of Fame de la NBA (Temple de la Renommée) en 2015.
Un humanitaire en mission pour la santé et l’éducation
Avant même la fin de sa carrière, le basketteur était très impliqué dans l’humanitaire. De sa voix rauque, il avait confié à RFI, fin 2019, la philosophie qui l’a toujours animé : « Donner et rendre à l’Afrique, aider la jeunesse de mon continent, quelles que soient les circonstances. C’est ce qui me fait avancer et vivre avec une telle passion. » C’était cette envie qui l’avait déjà amené à rejoindre les États-Unis. Dikembe Mutombo n’est pas devenu docteur, mais il a toujours été fasciné par la médecine et a largement agi dans le domaine de la santé en RDC et en Afrique.
En 1997, il créa une fondation à son nom. Et en 2007, après des années d’efforts et 15 millions de dollars investis de la poche de l’ancien joueur, un hôpital a vu le jour à Kinshasa, dans la commune de Masina. Il porte le nom d’hôpital Biamba Marie Mutombo, en l’honneur de la mère de Dikembe Mutombo. L’ex-pivot, membre de l’Unicef et engagé dans de multiples associations de santé et d’éducation aux États-Unis, en RDC et en Afrique, avait répété lors de son intronisation au Hall of Fame : « Je veux garantir à nos jeunes en Afrique, et en particulier aux femmes, un bon accès aux soins de santé. » L’hôpital Biamba Marie Mutombo a ainsi permis de soigner plusieurs centaines de milliers de patients congolais.
Dikembe Mutombo, qui eut sept enfants avec son épouse Rose dont quatre adoptés, s’est aussi démené pour qu’ouvre, en 2021, une école à Mbuji-Mayi : l’Institut Samuel Mutombo des Sciences et de l’Entrepreneuriat, baptisé au nom de son père. L’école, construite là où résidait la famille Mutombo il y a longtemps, accueille plus de 400 élèves qui bénéficient d’une bourse pour leur éducation. Lors de l’inauguration, le philanthrope avait confié simplement à The Hoya, le journal de l’université Georgetown : « C’est comme ça que je vois la vie. J’ai l’impression de remplir ma mission. »
John Thompson, l’un des mentors du « Mount Mutombo », avait déclaré : « Dikembe utilise les talents que Dieu lui a donnés pour s’assurer qu’il prenne soin des gens. Je le respecterai toujours pour cela. » Fin 2022, le basketteur avait dû subir une opération pour une tumeur au cerveau et suivre un protocole de soins. Avec sa disparition, le basket et la RDC perdent plus, beaucoup plus qu’un immense basketteur.
L’apprenti docteur devenu basketteur
Bien avant l’Amérique, Georgetown et les parquets nord-américains, tout commence en Afrique centrale. Dikembe Mutombo Mpolondo Mukamba Jean-Jacques Wamutombo – son nom complet – voit le jour à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), le 25 juin 1966, au sein d’une grande famille de l’ethnie Luba.
Le destin de cet étudiant appliqué – rien d’étonnant, avec un papa directeur d’école puis haut responsable dans l’Éducation – et sportif touche-à-tout bascule en 1987, quand le gouvernement américain lui propose une bourse universitaire. Le projet est que le jeune Dikembe Mutombo étudie la médecine aux États-Unis pour revenir la pratiquer plus tard en RDC. À 21 ans, le grand Congolais s’envole vers Washington DC, où une place l’attend à l’université de Georgetown.
Au pays de l’Oncle Sam, la taille du gaillard ne passe pas inaperçue. John Thompson, fameux entraîneur de l’équipe de basket universitaire de Georgetown, le convainc de rejoindre son escouade. Le coach a senti tout le potentiel du Kinois, en qui il voit un héritier du grand Bill Russell. Thompson convie même l’homme aux 11 sacres en NBA à venir parler à son jeune poulain.
« Bill Russell m’a dit : ’’Tu peux le faire’’. Il était là pour cinq jours et il m’a parlé trois ou quatre heures chaque journée. Cet homme était si intelligent. Il m’a convaincu que je pouvais y arriver », confiera Dikembe Mutombo à Sports Illustrated.
Installé comme pivot, le Congolais délaisse la médecine pour se consacrer au basket universitaire. Il brille avec Georgetown et forme une paire redoutable avec Alonzo Mourning, tout en obtenant son diplôme en linguistique – il maîtrise neuf langues – et en diplomatie. Sur le parquet, le cercle est son domaine où il règne. Nombre d’assaillants se brisent sur cette muraille défensive. En 1991, l’heure est venue de découvrir la National Basketball Association (NBA), la prestigieuse ligue nord-américaine de basket.
« Not in my house ! »
Dikembe Mutombo, 25 ans, est sélectionné en quatrième position de la draft (loterie de sélection des nouveaux joueurs) de l’année 1991. Choisi par les Denver Nuggets, il devient le troisième joueur africain à découvrir la NBA après le Nigérian Hakeem Olajuwon (drafté en 1984) et le Soudanais Manute Bol (drafté en 1985). Au quotidien L’Équipe, le Congolais dira avoir été « très inspiré » par ses deux aînés. « Hakeem Olajuwon est mon héros, mon idole. Il m’a tellement inspiré… De voir un autre Africain, qui dominait les matches comme cela en plus. Il nous a permis de voir plus loin », insistera-t-il.
À Denver, le rookie (débutant) fait forte impression dès ses débuts. Avec ses bras démesurés et son énergie, il s’impose comme un pivot de premier plan et comme l’un des meilleurs défenseurs de la ligue. L’apprentissage avec John Thompson a été fructueux. « Son identité, c’est les rebonds et les blocs », martelait l’entraîneur. La mise en pratique est parfaite : Dikembe Mutombo multiplie les contres et enchaîne les rebonds défensifs. Au sein d’une franchise limitée en talents, le joyau brille pendant cinq saisons et glane un premier titre de Meilleur défenseur de l’année 1995 en NBA.
En 1996, il rejoint Atlanta et poursuit son énorme travail en défense. Il y ajoute même sa signature : après avoir contré un adversaire, il secoue son index en signe de dénégation. C’est le « Mutombo Finger Wave », ou la petite provocation du Congolais qui signifie à son adversaire contré et frustré « Not in my house ! » (« Pas chez moi ! »). Un comportement qui fait le sel de la NBA et lui vaut un peu plus les faveurs du public, mais aussi quelques amendes. Sur les parquets, le n°55 est un enfer sous les paniers. Il est encore élu Meilleur défenseur en 1997 et 1998.
En 2001, les Philadelphia 76ers ont une inspiration : associer Dikembe Mutombo à leur fantastique meneur, Allen Iverson. La greffe réussit, le Congolais enlève un quatrième titre de Meilleur défenseur de l’année, et pour la première fois de sa carrière, il se retrouve en finales de la NBA. Mais les Sixers s’inclinent face aux Los Angeles Lakers de Shaquille O’Neal.
La suite de la carrière du « Mount Mutombo » est moins brillante. Il rejoint les New Jersey Nets pour la saison 2002-2003, mais blessé, il joue peu et son équipe perd en finale face aux San Antonio Spurs. Après une pige aux New York Knicks, le pivot s’en va terminer sa carrière chez les Houston Rockets, de 2004 à 2009. Là-bas, il épaule la star chinoise Yao Ming et s’offre encore quelques coups d’éclats et records de longévité. Dikembe Mutombo est finalement contraint de raccrocher à 43 ans, à cause d’une grosse blessure au genou gauche.
En 18 années, le géant de Kinshasa a réussi 3 289 contres, soit le deuxième meilleur total derrière Hakeem Olajuwon (3 830 contres). Il a aussi terminé à quatre reprises Meilleur défenseur de l’année, record partagé avec Ben Wallace, et a pris part au All-Star Game à huit reprises. Son maillot a été retiré par les Hawks et les Nuggets, et Dikembe Mutombo est entré au Hall of Fame de la NBA (Temple de la Renommée) en 2015.
Un humanitaire en mission pour la santé et l’éducation
Avant même la fin de sa carrière, le basketteur était très impliqué dans l’humanitaire. De sa voix rauque, il avait confié à RFI, fin 2019, la philosophie qui l’a toujours animé : « Donner et rendre à l’Afrique, aider la jeunesse de mon continent, quelles que soient les circonstances. C’est ce qui me fait avancer et vivre avec une telle passion. » C’était cette envie qui l’avait déjà amené à rejoindre les États-Unis. Dikembe Mutombo n’est pas devenu docteur, mais il a toujours été fasciné par la médecine et a largement agi dans le domaine de la santé en RDC et en Afrique.
En 1997, il créa une fondation à son nom. Et en 2007, après des années d’efforts et 15 millions de dollars investis de la poche de l’ancien joueur, un hôpital a vu le jour à Kinshasa, dans la commune de Masina. Il porte le nom d’hôpital Biamba Marie Mutombo, en l’honneur de la mère de Dikembe Mutombo. L’ex-pivot, membre de l’Unicef et engagé dans de multiples associations de santé et d’éducation aux États-Unis, en RDC et en Afrique, avait répété lors de son intronisation au Hall of Fame : « Je veux garantir à nos jeunes en Afrique, et en particulier aux femmes, un bon accès aux soins de santé. » L’hôpital Biamba Marie Mutombo a ainsi permis de soigner plusieurs centaines de milliers de patients congolais.
Dikembe Mutombo, qui eut sept enfants avec son épouse Rose dont quatre adoptés, s’est aussi démené pour qu’ouvre, en 2021, une école à Mbuji-Mayi : l’Institut Samuel Mutombo des Sciences et de l’Entrepreneuriat, baptisé au nom de son père. L’école, construite là où résidait la famille Mutombo il y a longtemps, accueille plus de 400 élèves qui bénéficient d’une bourse pour leur éducation. Lors de l’inauguration, le philanthrope avait confié simplement à The Hoya, le journal de l’université Georgetown : « C’est comme ça que je vois la vie. J’ai l’impression de remplir ma mission. »
John Thompson, l’un des mentors du « Mount Mutombo », avait déclaré : « Dikembe utilise les talents que Dieu lui a donnés pour s’assurer qu’il prenne soin des gens. Je le respecterai toujours pour cela. » Fin 2022, le basketteur avait dû subir une opération pour une tumeur au cerveau et suivre un protocole de soins. Avec sa disparition, le basket et la RDC perdent plus, beaucoup plus qu’un immense basketteur.
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