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Esclaves sexuelles au Kasaï: 38 personnes entendues par la justice



En RDC, il y a du nouveau dans le dossier des femmes et enfants détenus selon l'ONU depuis avril 2017, dans le Kasaï, et qui seraient otages, sexuels pour la plupart, des milices Bana Mura qui sévissent dans le territoire de Kamonia, et réputés proches de certaines autorités locales et officiers de l'armée congolaise. En août dernier, la ministre des droits humains, avait nié le phénomène au micro de RFI. Mais depuis, dans la plus grande discrétion, le mois dernier, 38 personnes ont été entendues dans ce dossier par la justice militaire à Kananga, dont 26 victimes qui ont réussi à s'échapper.

C'est l'aboutissement de pressions exercées depuis des mois par les Nations unies dans ce dossier. Parmi les personnes entendues par l'auditeur supérieur militaire de l'ex-Kasaï Occidental, on retrouve des témoins et des victimes, parmi lesquelles 22 femmes, et quatre enfants, dont deux filles et deux garçons, âgés de 14 à 15 ans, selon des sources proches du dossier.

Il s’agit d’une avancée importante si l'on se souvient qu'en août dernier, la ministre des droits humains avait nié le phénomène au micro de RFI, assurant que la Monusco ne lui avait fourni aucune information de nature à prouver l'existence des victimes. Une version contestée par l'ONU à l'époque qui dans la foulée a donc débloqué des fonds pour permettre à la justice militaire d'entendre les rescapés.

Plusieurs femmes ont porté plainte

A cette occasion, toujours de sources proches du dossier, plusieurs femmes victimes ont porté plainte devant l'auditorat. Plusieurs auraient également cité le nom du chef traditionnel Muyej, considéré comme l'instigateur des Bana Mura et épinglé dans plusieurs rapports comme l'un des principaux supplétifs de l'armée.

Quelle suite sera donnée ? Une instruction sera-t-elle ouverte ? C'est toute la question désormais. De source judiciaire en tout cas, l'audition du chef Muyej n'est pas à l'ordre du jour. « C'est prématuré », explique cette source qui promet toutefois que d'autres témoins seront entendus. La ministre des droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, dit avoir été informée de ces auditions, mais rester « sceptique » sur l'existence du phénomène, sans plus de précisions.

« J'ai failli être décapitée »

RFI a pu rencontrer plusieurs de ces victimes qui souhaitent toutefois garder l’anonymat. L’une d’entre elles, mère d’un bébé né des viols qu’elle dit avoir subi durant sa détention, raconte que les miliciens sont arrivés un soir dans son village, qu’elle et son mari ont fui chacun dans une direction. Lui, a pu se sauver. Elle a été retrouvée. « J’ai failli être décapitée. Quand ils m’ont arrêtée, ils m’ont mis dans un sac pour me tuer. Puis un chef est venu et a demandé à ce qu’on me laisse en vie pour m’emmener avec lui et que je serai décapitée plus tard. C’est lui le père de l’enfant que j’ai dans les bras », témoigne-t-elle.

Ils l'ont tué sous mes yeux. D'autres ont été brûlés vifs dans leurs maisons. Ils avaient des armes calibre 12 et des machettes. Ils m'ont dit que si je refusais de partir avec eux, ils allaient me décapiter moi aussi. Une fois au village, j'ai été forcée de travailler jusqu'à l'épuisement : je devais aller cultiver les champs, pêcher dans la rivière et j'étais violée deux à trois fois par jour.

La jeune femme explique qu’elle a alors été conduite dans le village de ce chef ou un autre cauchemar a commencé. « Il m’a amené dans sa maison pour me tabasser avec ses compagnons. Puis il m’a forcée à avoir des rapports sexuels. Et c’est devenu une habitude. Il me forçait à faire l’amour quatre ou cinq fois par jour ». Le reste du temps, elle dont le regard se trouble au fil du récit, dit avoir été soumise aux travaux forcés. « Je devais cultiver les champs, aller faire de la cueillette, m’occuper de la maison et si je résistais on me frappait à la tête avec des crosses d’armes. C’était si violent que je devais accepter de faire tout ce qu’il me demandait pour me protéger ».

L'ONU a documenté au moins 66 cas

Elle est finalement parvenue à s’enfuir un matin alors que son bourreau est parti creuser le diamant. Elle retrouve alors son mari, mais apprend que leur fille de six ans a été tuée dans l’attaque du village et jetée ce jour-là dans le fleuve par les miliciens selon des témoins.

En août dernier, l'ONU disait avoir documenté 66 cas de ces victimes prise en otage et utilisées comme esclaves sexuelles, la société civile évoquait elle le chiffre de 80 personnes. Depuis, certaines ont retrouvé la liberté, parvenant à s'échapper ou à la suite de négociations. On ignore avec précision combien seraient toujours détenues. L'ONU affirme pourtant avoir fourni dès janvier 2018 au gouverneur du Kasaï, non seulement la liste précise de victimes, mais aussi avec la localisation des fermes où se trouvaient les otages.

Rfi

Dimanche 9 Décembre 2018 - 11:53


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