Mali : ARRESTATION D’UN TRAFIQUANT DE DROGUE : prise stimulante d’un Pablo Escobar local.

Ouf, dira-t-on. Le soulagement est évident, puisque l’individu mis aux arrêts devrait permettre de trouver des réponses appropriées à une longue série de questions que tout le monde se posait depuis un certain temps déjà. Car, et cela on le savait déjà, le Mali, eu égard à ce qu’il a été donné de voir ces derniers temps, était devenu comme une nouvelle plaque tournante du trafic de drogue dans la région ouest- africaine, et ce, sans que l’on sache vraiment comment. On se souvient notamment de ce cargo qui, en novembre 2009, avait atterri incognito dans le nord du pays, s’était délesté quasi mystérieusement de sa cargaison de mort avant qu’on le découvre, détruit, carbonisé. On se rappelle aussi cette opération menée avec succès par les services de renseignements américains qui avaient fini par mettre le grappin sur des ressortissants maliens spécialisés dans le domaine de la drogue, au Ghana. Mais tout cela restait flou, puisque rien ne permettait de mettre un nom sur aucun visage connu. C’est désormais fait. Et si la carrure d’Albacher se rapporte à l’importance que l’homme occupe dans le domaine que visiblement il affectionne, nul doute que l’individu devrait permettre de suivre à la trace un important fil d’Ariane qui pourrait conduire à un important minotaure chapeautant un réseau que l’on imagine vaste et aux mécanismes bien huilés.

Les autorités maliennes auront su, patiemment, attendre le bon moment pour le faire. Et c’est tout à fait à leur honneur. Elles mettent ainsi fin à toutes ces allégations et supputations qui pouvaient faire croire qu’elles avaient peur d’engager un quelconque bras de fer avec les narcotrafiquants, pour des raisons inavouées. Elles font bien d’ailleurs, car la communauté internationale finit par poser un œil suspect sur quiconque se prend de collusion avec les marchands de certaines poudres blanches. A la différence de ce que fit le capitaine président guinéen, les autorités maliennes n’auront pas cédé à la tentation facile des opérations spectacles qui, pour être sensationnelles, n’en produisent pas vraiment l’effet escompté. Au regard de l’importance de la prise, nul doute que les gendarmes maliens auront mis longtemps à mûrir et coordonner toutes les actions nécessaires pour cueillir le fruit qui convient en temps opportun. Du menu fretin n’aurait pas réellement servi à grand-chose. Le Mali fait ici, œuvre de salubrité publique dont il tire lui-même bénéfice, mais dont toute la région ressentira également l’importance. Sans compter tous ces pays européens et d’Amérique du nord vers lesquels ces cargaisons de drogue sont régulièrement destinées par des expéditeurs qui ne s’embarrassent pas de savoir quels ravages ils causent. En même temps que le Mali redore son blason, il permet à toute la sous-région de découvrir en plein jour, sans doute, le premier gros maillon d’une longue chaîne qui sème la mort dans la frange la plus valide de ses populations : la jeunesse. Les révélations que l’on devrait obtenir d’Albacher seront d’une utilité providentielle pour toute la zone ouest- africaine. Car on devrait en savoir beaucoup plus sur l’importance ainsi que l’étendue du réseau, les membres qui le composent, les divers commanditaires ainsi que les principales destinations de ces ballots de la mort.

L’intérêt de le savoir est qu’il permet de mettre un terme à un commerce fatal dont la nocivité n’est plus à démontrer. Plus, il donne l’occasion de sécuriser davantage les Etats de la région dont la stabilité était en passe de voler en éclats face à la toute puissance des nouveaux maîtres de la drogue. Car, on l’a déjà vu, avec la masse monétaire qu’ils ont entre les mains, ils peuvent tout se permettre : ils mentent, font mentir, corrompent et soudoient à volonté. Une fois cette certitude assurée, ils peuvent alors opérer en toute tranquillité, puisque disposant de solides amitiés aux endroits qu’il faut.

Et c’est là que les autorités maliennes devront se faire le devoir d’aller jusqu’au bout. Les "confessions" d’Albacher peuvent impliquer des personnalités d’importance dans son pays, mais surtout en dehors même du Mali. Il se susurre déjà que l’homme serait une ramification malienne d’un réseau latino-américain. On sait l’importance que revêtent les cartels de la drogue dans cette Amérique du Sud où les narcotrafiquants règnent en véritables maîtres tout-puissants, et hantent le sommeil de plus d’un chef d’Etat.

Si Albacher est le maillon d’une chaîne dont le bastion s’enracine dans les champs de pavot de Bolivie ou de Colombie, il est fort à parier que des influences et lobbyings de toutes sortes se mettront bientôt en branle et feront sans doute feu de tous bois pour obtenir son élargissement. Aux autres Etats de la région de se convaincre bien vite que l’affaire est d’importance et qu’elle ne devrait pas être la préoccupation du Mali à lui seul.

Et ce, d’autant plus que les méfaits de la drogue ne connaissent pas de frontières. Aucun pays de la zone ouest- africaine ne peut prétendre que son territoire est absolument inconnu de narcotrafiquants qui pullulent et, régulièrement, écument la région. Le Mali a levé le lièvre, il est vrai. Mais il se peut qu’il ait plusieurs terriers. C’est l’ensemble de la région qui doit alors traquer le gibier.