"Selon des sources médiatiques, les marines sénégalaise et espagnole, ainsi que des pêcheurs qui se trouvaient à proximité, ont sauvé 59 personnes et récupéré une vingtaine de cadavres", a précisé l'OIM. La pirogue aurait connu une avarie grave, lorsqu’un incendie s’est déclaré à bord le 24 octobre.
Des membres de la communauté locale ont déclaré aux équipes de l’OIM que le navire avait quitté Mbour, une ville côtière de l’ouest du Sénégal située à environ 80 kilomètres au sud de la capitale Dakar, à destination des îles Canaries (Espagne). « Le bateau aurait pris feu quelques heures après le départ et a chaviré près de Saint-Louis, sur la côte nord-ouest du Sénégal », lit-on dans le texte l’agence onusienne.
Auparavant, la Marine nationale avait déjà publié un communiqué (photo) dans lequel elle annonçait l'interception de deux pirogues de migrants clandestins, le vendredi 23 octobre, avec 111 personnes à bord de l'une. Tandis qu'il n'y a eu que 51 rescapés dans la seconde, qui a pris feu à 80 km au large de Mbour.
C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris l’explosion, en haute mer, du moteur d’une pirogue qui transportait de jeunes compatriotes.
Un drame qui a causé la perte de plus d'une dizaine de jeunes.
— Macky Sall (@Macky_Sall) October 25, 2020
Les réseaux se sont surtout enflammés après les chiffres publiés par l'OIM, commentés par le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, le 29 octobre sur Twitter. "Je suis horrifié d'apprendre qu'au moins 140 personnes sont mortes dans un naufrage au large des côtes du Sénégal. Toute personne à la recherche d'une vie meilleure mérite sécurité et dignité. Nous avons besoin de routes sûres et légales pour les migrants et les réfugiés", écrit le Portugais sur son compte.
Le déni du ministère de l'IntérieurI am horrified to learn that at least 140 people died in a shipwreck off the coast of Senegal.
Every person searching for a better life deserves safety and dignity.
We need safe, legal routes for migrants and refugees.
— António Guterres (@antonioguterres) October 29, 2020
Dans un communiqué rendu public vendredi 30 octobre, le ministère de l'Intérieur, par le biais de son Secrétaire général, a jugé infondés, les chiffres avancés par l'Organisation Internationale pour les Migrants (OIM), sur la catastrophe en mer, après l'explosion d'une pirogue de migrants au large de Saint-Louis.
"Le Ministère de l'Intérieur tient à préciser que ces informations sont infondées", lit-on dans le communiqué. Qui indique: "A la date d'aujourd'hui, les services compétents de l'Etat ont récupéré six (06) corps sans vie repêchés, dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 octobre 2020, par un navire privé de pêche"
Pour ce qui s'agit de la pirogue qui a pris feu, le Ministère de l'Intérieur affirme que "lors des accidents en mer intervenus, le 22 octobre et dans la nuit du 25 et 26 octobre 2020, les services de secours ont respectueusement sauvé cinquante-et-une (51) et quarante (40) personnes. Aucun décès rattaché à ces accidents n'a été, pour l'instant établi".
En résumé, selon le ministère de l'Intérieur, il y a eu ZÉRO décès dans l'incendie de la pirogue au large de Mbour dans la nuit du 25 et 26 octobre. Les familles éplorées qui n'ont pas encore fini de faire le deuil de leurs enfants disparus en mer feraient dans l'extrapolation. En gros, selon les autorités étatiques, ces chiffres donnés par les organisations internationales relèvent purement et simplement d'une exagération de la situation. Circulez, il n'y a rien à voir. Pas de péril en la demeure.
Pour rappel, un rescapé a clairement affirmé dans la vidéo ci-dessous, qu’il y avait au moins 150 personnes dans ladite pirogue et que celles secourues ne font même pas 50.
À Thiaroye sur mer, la majeure partie des pêcheurs veulent aller en Europe. Toutes les personnes interrogées, par l'équipe de PressAfrik, qui a fait une petite incursion dans ce quartier le 17 octobre dernier, n'ont qu'une seule idée en tête, aller en Europe. Selon ces individus de tous âges, les grands navires industriels ont pris toutes leurs sources de revenus. Il leur faut parcourir des kilomètres en mer pour avoir un peu de poissons.
Les risques que présente la traversée de la Méditerranée ne leur feront pas reculer. Si l'occasion s'offre à eux, ils n'hésiteront pas. "Depuis trois (3) ans, rien ne marche à cause des grands bateaux. Tous ces gens que vous voyez sont sans emploi. Et si l'occasion se présente, à la minute qui suit, ils vont embarquer et partir pour subvenir aux besoins de leurs familles", prévenait Mor Thiam, un pêcheur âgé d'une quarantaine d'années.
Pour son voisin Mandiaye Diop, si les jeunes de ce village bravent la mort en empruntant l'océan, c'est parce qu'ils n'ont pas un autre choix. "Ces jeunes que voyez prendre les pirogues préféreraient rester ici, auprès de leurs familles s'ils avaient de quoi subvenir à leurs besoins. Ils sont las de cette précarité. La pêche ne les nourrit plus et la plupart sont des soutiens de famille", confiait-il devant les caméras de PressAfrik, une semaine après la série de drames en mer.
"Ces jeunes sont des soutiens de familles. Ils n'attendent plus rien de cette mer déjà pillée par la pêche industrielle. Et vous savez aussi bien que moi que 500 francs du Sénégal ne valent pas 500 en Espagne. Alors le choix est vite fait", renchérissait Ablaye Mbengue.
Les pêcheurs désoeuvrés par le contexte économique très difficile expliquent pourquoi leurs jeunes camarades risquent leur vie dans la mer pour rallier l'Europe. Regardez !
Le ministère de la Pêche et de l’Économie maritime est au cœur de cette tragédie migratoire. Il est accusé d’avoir octroyé des licences de pêche à des bateaux étrangers (chinois en particulier).
Incriminé par les acteurs de la pêche dans la vidéo ci-dessus et accablé par les organisations nationale (Gaipes) et internationale (Greenpeace, dans un rapport), le ministre Alioune Ndoye s'est dédouané dans un communiqué rendu public le 12 octobre dernier. "Les allégations totalement infondées contenues dans ledit rapport (de Greenpeace) sont d’autant plus surprenantes, qu’à plusieurs reprises, (...) le ministère des Pêches et de l'Economie maritime a toujours apporté des éclairages, des précisions et des démentis, à chaque fois que cela s’imposait, à l’endroit des acteurs, de l’opinion publique nationale et internationale", rétorquent les services de Ndoye.
Avant d'ajouter que leur ministère "n’entend donner aucun crédit à un rapport qui n’est qu’une reprise des allégations erronées et toujours officiellement démenties de certains privilégiés de la pêche industrielle".
Alioune Ndoye a cependant reconnu avoir accordé des licences de pêches au bateau nommé Fu Yuan Yu. Et Sénégal n’ayant pas d’accord de pêche avec la Chine, le ministre explique qu’il y a une procédure bien encadrée qui permet à des bateaux étrangers d’être sénégalisés et de bénéficier d’une licence. « Tous les bateaux d’origine chinoise, espagnole, française, grecque (…) détenteurs de licence de pêche au Sénégal appartiennent à des sociétés reconnues, par acte notarié, de droit sénégalais », s'est-il justifié.
Ce que l'ONG Greenpeace balaie d'un revers de main. "Au lieu de rejeter la faute sur la société civile, les autorités gouvernementales devraient choisir la transparence et rendre publique la liste des navires autorisés à pêcher dans la zone économique exclusive (ZEE) sénégalaise, y compris le type et la date d'attribution des licences pour lever toute équivoque. Mieux, le ministère devrait éclairer l'opinion publique en précisant à l’issue de quelles réunions de la Commission Consultative d’Attribution des Licences de Pêches industrielle (CCALP) les demandes de ces bateaux, objet de la polémique, ont été examinées et les acteurs présents", contre-attaque l'ONG avant d'ajouter: "Trouver des failles dans le système juridique pour accorder des licences aux navires lorsque les stocks sont surexploités et que les populations sont sous-alimentées est contraire à l'éthique. Greenpeace reste et demeurera toujours du côté de la vérité et de la transparence - peu importe le statut de son vis-à-vis".
"Le Coordonnateur du Forum civil parle de "banalisation étatique de la criminalité juvénile en haute mer"
Joint par PressAfrik, pour réagir sur cette situation dramatique qui cristallise toutes attentions (sauf celle du régime de Macky Sall), Birahim Seck, qui travaille avec les acteurs de la pêche au Sénégal pour la protection de leur activité et l'amélioration de leurs conditions de vie, a fait une analyse succincte et sombre de l'émigration clandestine au Sénégal.
Selon le Coordonnateur du Forum Civil, c'est une tuerie née de la gestion nébuleuse de la Pêche au Sénégal. "Dans un contexte de rareté de la ressource, une gestion nébuleuse du secteur de la Pêche décriée par les acteurs eux mêmes ne peut engendrer qu'une tuerie sans précédent de la jeunesse et des professionnels du domaine. L'Etat du Sénégal a l'obligation de rendre compte des milliards destinés à lutter contre l'immigration clandestine à travers les projets et programmes. Il y a une sorte de banalisation étatique de la criminalité juvénile en haute mer", se désole-t-il.
Au mois de mai 2020 déjà, votre serviteur lançait déjà l'alerte sur le bradage des ressources halieutiques du pays par des navires industriels chinois "légalement sénégalisés".
Pendant ce temps... sans aucun accord de pêche entre la Chine et le Sénégal, des concitoyens servent frauduleusement de prête noms pour l’immatriculation de bateaux chinois qui pillent nos ressourcent halieutiques. Espèces prisées: Yaboy et Diay. Nos pêcheurs largués #Kebetu pic.twitter.com/EY03drun7W
— Ayoblogger4.0 (@autruicomoi) May 16, 2020
Maintenu au poste contre toute attente après le remaniement
Le 1er novembre, peu de gens pariaient sur le maintien de Alioune Ndoye dans le Gouvernement, lors du remaniement. Non seulement le sieur a été nommé, mais au même poste. En langage simple, le chef de l'Etat est satisfait de sa façon de gérer le secteur de la pêche. Et ce, malgré les centaines de décès que sa politique aurait provoquée.
Pire, cette semaine, l'organisation européenne Alarm Phone qui répertorie les appels de détresse sur les migrations dans la Méditerranée, a annoncé qu'"Environ 480 morts ou disparus en une semaine le long de la route de l'Atlantique
La situation le long de la route vers les îles Canaries est dévastatrice:
~ 24/10: 100 morts / disparus et 56 sauvés par un navire de guerre espagnol
~ 24/10: 140 morts / disparus au large des côtes sénégalaises en raison d'un incendie à bord du bateau
~ 27/10:41 morts / disparus après la collision d'un bateau avec 80 personnes au départ de Soumbédioun avec un patrouilleur sénégalais
~ 29/10: 50+ morts / disparus après le départ de ~ 77 personnes du Sénégal 2 semaines auparavant. 27 sauvés au nord de la Maurétanie
~ 30/10: 150 morts / disparus dans un naufrage au large de St Louis, Sénégal", a écrit l'ONG Alarm Phone sur le réseau social"
Avant de conclure: "De nombreux bateaux seraient partis de Thiaroye en #Senegal au cours des 2 derniers mois. Des sources locales rapportent que cela est dû au fait que le gouvernement sénégalais a accordé des licences de pêche à l'industrie de la pêche chinoise. Beaucoup de pêcheurs sénégalais ne peuvent plus pêcher et partir".
++ Approx. 480 people dead or missing in one week along the Atlantic route ++
The situation along the route to the Canary Islands is devastating:
~24/10: 100 dead/missing & 56 rescued by Spanish warship
~24/10: 140 dead/missing off Senegalese coast due to a fire onboard the boat
— Alarm Phone (@alarm_phone) November 1, 2020
Sur les Réseaux sociaux, le internautes sénégalais ont lancé le Hashtag #WhatshappeninginSenegal (Que se passe-t-il au Sénégal) pour dénoncer le silence des autorités sur les centaines de Sénégalais morts en mer ces derniers jours.
En deux semaines, l'émigration clandestine a tué plus de Sénégalais (chiffres Alarm Phone et OIM) que la pandémie de Covid-19. Un massacre incomparablement plus grand que celui commis par les terroristes en France et ailleurs. Un massacre sans coupable désigné.
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