Connectez-vous S'inscrire
PRESSAFRIK.COM , L'info dans toute sa diversité (Liberté - Professionnalisme - Crédibilité)

Sortie du gouvernement de jeudi: "Ils ont fait trop de bruits pour ne rien dire" ( Analyste)

Le gouvernement du Sénégal a convié toute la presse nationale et internationale jeudi, pour s’expliquer sur les malheureux évènements de juin au cours desquels une vingtaine de morts et plusieurs blessés ont été enregistrés. Le ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, le Premier ministre Amadou Bâ, le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, le ministre des Forces armées, Sidiki Kaba, et le ministre porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, étaient tous au front. Une task-force qui, 15 jours après les heurts, ont tenté d’éclaircir les choses. Que nenni ! Alors que les Sénégalais s’attendaient à de nouvelles informations, « ils n’ont rien dit de nouveau. Une preuve qui montre qu’ils sont dépassés par les évènements », a estimé Dr Jean Sibadioumeg Diatta, spécialiste en communication. Qui a décelé « une panique et de l'hésitation chez les acteurs ».



Plusieurs informations ont circulé suite aux violentes manifestations qui se sont déclenchées dans plusieurs localités du Sénégal le 1er juin, jour de la condamnation de Ousmane Sonko, principal opposant du Président Macky Sall, à 2 ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse. Suite à ces manifestations, place à la guerre des chiffres sur le nombre de morts. Là où le ministre de l’Intérieur annonce 16 morts de façon officielle, Amnistie International en décompte 23. Pis, les vidéos projetées par la police montrant des individus non encore identifiés surnommés "nervis", tenant des armes à feu, font jaser. Face à la presse, une task-force du gouvernement a tenté d’apporter sa part de vérité sur ces évènements. Une communication de crise qui s’est faite « tardivement » et qui semble ne pas avoir l’effet escompté, a analysé Dr Diatta.  

Dans un entretien avec PressAfrik, Dr Jean Sibadioumeg Diatta, spécialiste en communication et enseignant-chercheur à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Ucad a, d’emblée, souligné que cette sortie du gouvernement est une suite logique de ce qui s’est passé en mars 2021. « Ce qui s’est passé au mois de mars 2021 jusque-là il y n’a eu aucun résultat et les discours d’alors n’ont pas un certain crédit. Les citoyens n’ont pas eu du sérieux. On attendait le gouvernement pour une sortie officielle du Premier ministre depuis les évènements. Ils ont tardé à le faire. Le fait d’avoir tardé a permis aux autres de communiquer et de prendre le dessus. En communication de crise, l’impératif c’est la réactivité », a-t-il déclaré.

Pour Dr Diatta, en période de crise, il faut réagir rapidement. Mais, malheureusement, a-t-il constaté, cette communication de crise s’est faite « tardivement ». « Il faut réagir le plus rapidement possible pour dissiper toutes les teneurs. Malheureusement leur silence a permis la diffusion de rumeurs, la diffusion, à travers les réseaux sociaux, d’informations qui finalement ont cristallisé l’attention du public, qui ont fait que les gens ont adhéré à la thèse. Parce que le gouvernement a laissé un vide ».

Pis, se désole-t-il : « Ils ont fait trop de bruits pour ne rien dire ».
 
Le gouvernement a perdu la capacité de convaincre
Selon l’enseignant chercheur, le gouvernement a perdu une grande partie de la bataille communicationnelle à cause du silence observé depuis lors. « Ils auraient pu gagner en la (sortie du gouvernement) tenant un peu plus tôt que ça. Ils sont restés 15 jours pour parler d’une situation de façon officielle. Et pendant ce temps-là, les médias internationaux ont fait le travail. Les journalistes locaux ont fait le travail, ainsi que les réseaux sociaux. Ce qui fait que toutes ces informations ont inondé l’actualité de fait que le gouvernement ait perdu une grande partie de la batille communicationnelle ».

Cette sortie, a estimé notre interlocuteur, « montre qu’ils étaient obligés parce que acculés par les organisations internationales qui ont sorti des communiqués pour dénoncer cela et le dénoncer le silence total du gouvernement de façon officielle ».
Pas d'élément nouveau dans leur déclaration
Pour le communicant, le gouvernement n’a rien dit de nouveau. « Ils ont rien dit de nouveau. Ils ont dit ce que tout le monde sait. En plus de ça, là où tout le monde les attendait pour des informations précises, ils reviennent par des questions : ''Qui vous dit, qui vous dit'' », a-t-il regretté.

Pis, a-t-il ajouté : « 15 jours après les évènements, le gouvernement n’est même pas capable de dire ''oui voilà ce qui s’est passé''. Cela veut dire qu’ils sont dépassés par les évènements. On voit une expression de la panique, d’hésitation. Ce qui est bizarre, c’est qu’en temps de crise, les acteurs perdent la sérénité. Mais 15 jours après la crise, si les acteurs semblent perdre la sérénité, cela veut qu’il y  a autre chose », a analysé Dr Diatta.
 

Dr Jean Sibadioumeg Diatta, spécialiste en communication
Dr Jean Sibadioumeg Diatta, spécialiste en communication
Perte de capacité de convaincre : Antoine Felix Diome et Cie trahis par leur expression faciale

Antoine Felix Diome et ses camarades n'étaient pas à l'aise jeudi lors de leur "face à la presse". Selon le spécialiste en communication , ils ont été trahis par leur comportement : « l’expression faciale, l’hésitation, les accusations d’être dans le camp de l’opposition portées à l’endroit de certains journalistes qui ont posé des questions gênantes ». 
 
« Ils ont fait preuve de manque de sérénité. On le sent même quand ils prennent la parole que ce soient les éléments de forme, l’expression facile. On voit qu’ils sont tendus. On a vu des gens qui semblent dépassés par les évènements, qui paniquent et qui manquent de sérénité. On a eu plusieurs messages qui ont fini par décrédibiliser l'institution étatique », a souligné Dr Diatta.
Les sorties de Juan Branco, l’avocat de Ousmane Sonko, à l’origine de cette sortie du gouvernement, selon le spécialiste en communication
L’avocat français Juan Branco, membre du pool d’avocat de Ousmane Sonko, affirme détenir des preuves suffisantes pour traduire le régime du président Macky Sall devant la Cour pénale internationale (Cpi). Dans des Tweets, il dénonce une attaque généralisée contre une population civile désarmée du fait de son orientation politique. Répondant à ces menaces, le ministre des Forces armées, Sidiki Kaba, qui a profité du « Gouvernement face à la presse » de jeudi a déclaré : « On a entendu dire aussi, d’une façon récurrente, que l’Etat du Sénégal, ses plus hautes autorités et ses forces de défense et de sécurité (FDS) vont être déférés devant la Cour pénale internationale, c’est de la fanfaronnade. Ceux qui le disent n’ont ni la qualité, ni la capacité de le faire (….) », a fait savoir le ministre.

Analysant cette déclaration du ministre des Forces armées, l'enseignant chercheur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l'Ucad est d'avis que « si le ministre a pris 10 ou 15 mn pour répondre à l'avocat français, on se rend compte que s'il n'y avait pas de crédit, il n'aurait même pas perdu une minute pour lui répondre ». 
Les objectifs de la sortie du gouvernement 

Par ailleurs, Dr Jean Sibadioumeg Diatta est convaincu que le gouvernement avait deux objectifs. Il a listé : « D'abord, il avait besoin de montrer à l'international que le Sénégal est un pays de droit et notamment aux Nations Unies que tout ce qui s'est passé relève d'une volonté d'un opposant de déstabiliser les fondamentaux de l'Etat ». 

Ensuite, a ajouté le communicant, le gouvernement a voulu rassurer les forces de l'ordre en leur disant que « oui vous ne risquez rien ». « Le gouvernement sait que pour la suite de la bataille, il aura besoin des forces de l'ordre et si ces dernières se sentent déstabilisées, on va assister peu être à des démissions. Parce que les gens ne vont pas se mouiller pour couvrir un gouvernement », a-t-il conclu.  

La conférence de presse du gouvernement a fait réagir les Sénégalais. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont fait part de leur déception. 


Nervis ? Non: Manifestants armés - volontaires du Parti - Comités de vigilance… Ce n’est même plus du tâtonnement à ce stade ou de la cacophonie. Nous sommes en face de gens qui sont dans le déni absolu. Et malheureusement, pas un soupçon de science n’habite leurs cerveaux pic.twitter.com/gCASjy2NfS

Aminata Diouf

Vendredi 16 Juin 2023 - 15:46


div id="taboola-below-article-thumbnails">

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter