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Mikhaïl Khodorkovski à RFI: «La prison casse les faibles et apprend l'humilité aux leaders»

Le 25 octobre 2003, Mikhaïl Khodorkovski, première fortune russe et patron du groupe pétrolier Youkos, est arrêté à l'aéroport de Novossibirsk, en Sibérie. Accusé de « vol par escroquerie à grande échelle » et d’« évasion fiscale », il est condamné à 14 ans de prison. 10 ans après son arrestation spectaculaire, le prisonnier le plus célèbre de Russie raconte à RFI depuis sa cellule les joies et les épreuves de son quotidien carcéral et livre sa vision du processus démocratique dans le pays.



Mikhaïl Khodorkovski. REUTERS
Mikhaïl Khodorkovski. REUTERS
Comment vous sentez-vous en prison ? Quel est votre état de santé ? Quelles sont les conditions de votre détention ? Avez-vous accès à tous les soins nécessaires ?

Mikhaïl Khodorkovski : Il est évident que, durant ces dix ans, mon moral et ma santé ont connu des hauts et des bas. J’ai connu trois prisons ainsi que deux camps, sans compter les « transferts ». Les conditions se ressemblent partout.
 
C’est dur. Deux à trois mètres carrés par personne, faire la queue pour le lavabo et les toilettes. De l’eau froide. La douche, une fois seulement par semaine. Du pain, de la bouillie, de la soupe qui ressemble à la turia (du pain émietté trempé dans de l'eau salée, ndrl), et de nouveau, du pain, de la bouillie. Même si, aujourd’hui, on voit parfois des traces de viande, de poisson, de lait. Un léger mieux, quoi.
 
A(RE)LIRE: Procès Khodorkovski: une vague d'indignations

 
Mais le plus important, c’est cette sensation humiliante d’être totalement dépendant de l’humeur et des phobies de tous ces gens très différents. Pour un grand nombre de mes concitoyens, ces conditions semblent presque douces, alors que ces mêmes citoyens ne croient pas en cette justice.
 
Où en est le processus démocratique en Russie ? Conservez-vous l'espoir qu’il aboutisse ?

 
Il existe deux voies possibles. La première est celle d’une libéralisation progressive de la société, l'accès de l'opposition à de réelles chances de conquérir le pouvoir dans le cadre d'élections honnêtes. C’est-à-dire une démocratisation venue « d’en haut ».
 
La deuxième voie consiste à faire conjuguer les esprits contestataires de la jeunesse et de la société civile russe, avec la protestation sociale de ceux qui, hier encore, préféraient se taire. Ces derniers se sont habitués à une croissance rapide de leurs revenus pendant les années « grasses ». Ils ont aujourd’hui perdu cette perspective rassurante. Dans ce cas, le mécontentement populaire peut s’exprimer par des manifestations les plus violentes.
 
Quelle voie choisira la Russie, la première ou la seconde ? Dans tous les cas, l’objectif de l’opposition démocratique est de ne pas laisser la protestation quitter la voie pacifique.  Personnellement, je suis persuadé du succès. La Russie a toujours fini par choisir la voie européenne. Il faudrait juste que le pays tienne bon d’ici là.
 
La Russie est-elle encore une grande puissance ?

 
Pour moi, une grande puissance, c’est un pays où les gens vivent dignement. Dignement, et pas seulement dans le confort matériel. C’est un pays qui sert d’exemple à d’autres pays et d’autres peuples.
 
Dans ce sens, la Russie est-elle une grande puissance aujourd’hui ? La réponse est non. Voudrais-je qu’elle le devienne ? Sans aucun doute. Pour nous, les Russes, la fierté pour notre pays est un sentiment caché, mais fort. Ceux qui en font étalage me mettent mal à l’aise. Et même parfois me font honte.
 
Chalamov disait qu'une expérience de prison est absolument inhumaine et, donc, inutile. Soljenitsyne avait la vision plutôt contraire dans le sens où les souffrances que nous inflige la prison nous anoblissent. Lequel de ces deux points de vue partagez-vous après avoir passé dix ans derrière les barreaux ?

 
Tout dépend de la personne concernée. La prison casse ceux qui sont faibles et ambitieux, force les salauds à se dévoiler et apprend aux leaders la compréhension et l’humilité. Les gens tout simplement bons aident à rendre la vie en prison supportable. Je les en remercie.
 
Y-a-t-il quelque chose, dans ce cauchemar carcéral, qui vous fait sourire aujourd’hui ?

 
Je suis optimiste et c’est pour cela que, même en prison, j’ai souvent des moments de joie. Ma joie la plus grande ? Mes rendez-vous avec ma famille. A chaque fois, c’est comme une petite remise en liberté. Malheureusement, c’est rare.
 
Sinon, une conversation téléphonique avec les miens est aussi une joie. Un bon livre, c'est un plaisir pour la semaine. Ma fête préférée c’est le Nouvel An, même sans gâteau, ni champagne. Des lettres de mes amis, une critique positive d’un de mes articles, des mots de soutien dans un journal ou lors d’une manifestation, bref, la certitude que l’on ne t’oublie pas et que l’on t’attend.

Source : Rfi.fr
 

Dépéche

Vendredi 25 Octobre 2013 - 12:36


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