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Allemagne: verdict historique pour les crimes imputés au régime syrien

Le premier procès contre des membres du régime syrien accusés de crimes contre l’humanité se termine ce 13 janvier en Allemagne avec le prononcé du verdict. Au-delà du cas de l’accusé, c’est le système Assad pratiquant la torture systématique contre ses opposants qui figure sur le banc des accusés. L'accusé a été condamné à la perpétuité.



L’accusé, Anwar Raslan, âgé aujourd’hui de 58 ans, a fait carrière dans les services de renseignement syriens où il est en dernier lieu responsable de la sécurité de Damas et de la région. Il sévissait dans une prison connue pour pratiquer régulièrement la torture. Ceux qui étaient transportés avaient peu d’espoirs d’en sortir vivants. Le nombre des sévices a augmenté avec la rébellion contre le régime au début de la dernière décennie. Anwar Raslan est accusé d’au moins trente meurtres et de 4 000 cas de tortures commis dans cette prison de Damas entre le printemps 2011 et l’automne 2012.
 
Le colonel de l’armée syrienne avait ensuite fui le pays, pas par remords pour les actes commis mais parce qu’il estimait que les poursuites contre des civils qui n’avaient rien à voir avec l’opposition n’avaient pas de sens.
 
Ironie de l’histoire, il s’installe plus tard en Allemagne et y obtient l’asile politique. Interrogé par la police allemande dans un autre dossier comme témoin, il parle sans détours de sa carrière dans le renseignement syrien. Il finira par être arrêté ainsi qu’un autre compatriote, un subalterne, condamné lui l’an dernier à quatre ans et demi de prison pour complicité de crimes contre l’humanité.
 
Quel bilan peut-on tirer du procès ?
Le procès débuté en avril 2020 a, durant les 100 jours d’audience, présenté un tableau d’ensemble de l’appareil répressif du régime syrien. Pour y parvenir, le tribunal de Coblence a utilisé le dossier César, ces 55 000 photos de corps torturés et exécutés, transmis par un membre de la police militaire syrienne qui a fait défection. Plus de soixante témoins, notamment des victimes de cet appareil répressif, ont déposé durant le procès. La présence en Allemagne de nombreux Syriens a constitué une aide à la justice comme le soutien d’ONG actives sur ces dossiers. Des personnes réfugiées en Allemagne ont parfois reconnu leurs anciens bourreaux, là où elles ne les attendaient sans doute pas.
 
Malgré tout, un tel procès constitue un défi de poids pour la justice allemande. Contrairement à d’autres dossiers concernant un régime disparu, aucun accès aux archives sur place et aucune collaboration de Damas ne sont bien sûr envisageables.
 
Le principe de compétence universelle
La justice allemande est particulièrement active sur ces dossiers. Cela s’explique par la compétence universelle qui permet aux magistrats d’ouvrir des procédures lorsque des principes essentiels du droit pénal international, comme ici des crimes contre l’humanité, sont en cause. Et ce même si des Allemands en l’occurrence ne sont pas concernés et bien que les faits se soient déroulés dans un autre État. L’Allemagne a opté pour une application plus large que d’autres pays du principe de compétence universelle.
 
Dans l’absolu, de telles poursuites devraient être du ressort du Tribunal pénal international de La Haye aux Pays-Bas, mais la Syrie n’a pas adhéré au traité qui a fondé la cour. Et les Nations unies, qui pourraient intervenir, n’ont pu le faire en raison des vetos russe et chinois.
 
Ce principe de compétence universelle -d’autres Syriens sont poursuivis en Allemagne- reste malgré tout un pis-aller et ne peut remplacer une procédure jugeant l’ensemble des agissements d’un régime. Un régime toujours au pouvoir à Damas. Une ONG a estimé l’an passé qu’en dix ans, près de 15 000 personnes sont mortes sous la torture en Syrie.
 
Témoignage de Patrick Kroker, avocat d'une partie des plaignants
« L'un des points les plus importants est la participation de 24 plaignants dans ce procès, explique-t-il au micro d’Oriane Verdier. Nous avons entendu près de 100 témoins. Anwar Raslan était responsable de la section enquête du centre de détention.  De notre point de vue c'est la preuve qu'il est l'auteur principal des meurtres, tortures, viols et agressions sexuelles comme des crimes contre l'humanité. La peine qui en découle est la prison à vie. Nous sommes tous d'accord que ce ne doit être qu'un premier pas. Il y a des mandats d'arrêts internationaux contre des membres plus gradés encore du régime. Nous exigeons qu'ils soient poursuivis. Tout ce qui sera dit dans ce verdict sur les éléments de contexte concernant une attaque vaste et systématique menée par le gouvernement de Bachar el-Assad, nous le retrouverons sûrement dans d'autres contextes légaux après ce procès. »

RFI

Jeudi 13 Janvier 2022 - 09:29


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