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Almamy Ibrahima Barry: «La politique politicienne a montré ses limites en Guinée»



Almamy Ibrahima Barry, 65 ans, banquier et économiste guinéen, est candidat aux élections présidentielles guinéennes. Dans cet entretien, il nous livre une esquisse de son programme politique.



Almamy Ibrahima Barry: «La politique politicienne a montré ses limites en Guinée»


Almamy Ibrahima Barry : « Revenir au FCFA ? C’est l’une de mes priorités et je défends cette thèse depuis plusieurs années. »

Les Afriques : Vous venez d’annoncer votre candidature aux prochaines présidentielles guinéennes ? Quelles sont les raisons qui vous motivent dans ce projet national ?

Almamy Ibrahima Barry : Il est vrai qu’une importante couverture médiatique a été observée suite à ma dernière conférence de presse à Abidjan, au cours de laquelle j’ai réitéré mon intention de me porter candidat à la prochaine élection présidentielle. Je tiens cependant à vous rappeler que, depuis 2006, j’avais manifesté mon ambition de participer à l’élection présidentielle prévue au terme du mandat du feu président Conté.

« Moi, je ne suis pas un politicien par essence et je le revendique. Je suis un technocrate, spécialiste du développement. »

Ma candidature est une profession de foi dictée par l’ampleur du désastre que subit mon pays. De nombreux compatriotes m’ont sollicité, pour que j’incarne la rupture avec les pratiques opaques des anciens régimes, afin d’être porteur d’une espérance nouvelle et d’un nouveau projet de société. Ces sollicitations ont ceci de particulier, qu’elles ne viennent ni d’une ethnie, ni d’une région, mais, plutôt, de toutes les composantes de la nation guinéenne. Ces compatriotes qui m’ont fait confiance ont fondé leur conviction sur l’expérience de plus de vingt ans que j’ai acquise dans la gestion économique d’une trentaine de pays africains et les hautes fonctions occupées sur la scène africaine.



LA : Votre pays est souvent décrit comme un scandale géologique au regard de ses richesses ? Quelles sont les premières réformes que vous jugez indispensables pour transformer les potentialités de votre pays ?

AIB : Ce scandale géologique, dont vous parlez, procède d’un constat évident. Les ressources naturelles ne constituent des richesses que si elles sont exploités rationnellement et si les revenus qui en découlent sont utilisées à des fins d’investissements productifs. Par contre, si ces revenus prennent le chemin des comptes bancaires des sociétés étrangères et de leurs complices guinéens, il n’y aura jamais de développement. C’est pourquoi un des axes prioritaires de mon projet repose sur l’instauration de la bonne gouvernance. Le secteur minier est prioritaire dans mon plan de relance économique. Il faut savoir que, de tous les secteurs moteurs de croissance, le secteur minier est le plus important. Avec près de 15 millions de tonnes par an, il représente 85% des recettes d’exportations et 25% des recettes fiscales.

En ce qui concerne les réformes, elles poursuivront deux objectifs : l’intensification de l’activité minière et le renforcement de la valorisation du produit minier. Pour ce faire, plusieurs mesures devront être prises, notamment la restructuration de l’administration minière, la révision du code minier, la promotion de méga-projets miniers dans les domaines du fer et de la filière aluminium, et la mise en place d’infrastructures nécessaires au développement du secteur (chemin de fer transguinéen, port minier en eaux profondes, électrification). Ces réformes concerneront également l’or, le diamant, l’uranium, mais aussi le pétrole, découvert plus récemment. Toutes ces mesures structurelles et promotionnelles ne pourront être efficaces que dans un environnement de stabilité politique, économique et sociale. Les investisseurs sont parfaitement conscients du potentiel minier. A nous de leur offrir un environnement des affaires où leurs droits seront garantis.



LA : Ce processus passera-t-il par la révision des contrats miniers signés avec les multinationales occidentales et les compagnies chinoises ? Quel regard portez-vous sur les concessions en cours ?

AIB : Mon objectif principal n’est pas fondamentalement de remettre en cause des contrats signés, mais je m’assurerai de la juste rémunération de l’exploitation de nos ressources. Je rassure donc les investisseurs miniers, la révision éventuelle de certains contrats se fera dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant et dans le respect des intérêts respectifs de chaque partie. Je pourrai me prononcer plus largement sur ces contrats quand j’aurai pris connaissance des clauses et contreparties qui les composent et obtenu les conclusions des conseils. Je ferai appel à l’expertise africaine et internationale pour nous assister dans ce domaine, qui requiert une haute technicité. Je note simplement qu’il y a beaucoup d’opacité autour de ces contrats de concessions, et cela alimente fortement le débat sur la corruption en Guinée.



LA : La Guinée dispose de sa monnaie nationale, héritage de l’époque de Sékou Touré. Pensez-vous que cette option est pérenne à l’heure de la construction des grands ensembles ? Faut-il revenir au FCFA ?

AIB : Revenir au FCFA ? C’est l’une de mes priorités et je défends cette thèse depuis plusieurs années. La Guinée mène une politique monétaire souveraine, depuis 1960, qui a profondément contribué à l’instabilité monétaire et économique du pays. Notre développement économique doit être soutenu par une monnaie stable et une orthodoxie financière, pour mettre fin aux dérives de la Banque centrale. Dites-moi… Comment peut-on concevoir qu’un président de la République puisse se rendre personnellement au siège de l’institution pour se servir des devises disponibles ? C’est tout simplement inacceptable.

La Guinée doit absolument renouer avec la bonne gouvernance en observant les standards internationaux en matière de gestion économique et monétaire. La réforme du système monétaire et bancaire doit nécessairement passer par une adhésion à la zone UEMOA et l’adoption du franc CFA. Par ailleurs, la Guinée appartient à un espace politique et économique où elle sera appelée à jouer un rôle déterminant. L’intégration monétaire, une fois réalisée, élargira ses perspectives économiques et renforcera son poids dans la sous-région.

Je ne rappellerai jamais assez que la réussite de notre intégration régionale sera déterminante pour l’émergence de nos économies.



LA : L’armée a toujours joué un rôle de premier plan en Guinée. Y-a-t-il des garanties qu’elle ne sorte pas de sa réserve pour soutenir un des candidats ?

AIB : Je pense qu’il faux positiver. Depuis les accords de Ouaga, la junte militaire a affiché une volonté manifeste de rester neutre dans le processus électoral. Pour l’heure, je m’en tiens aux déclarations de bonne intention du général Sékouba Konaté sur sa volonté de tenir l’armée hors du processus électoral. C’est un homme de parole et je pense qu’il représente une garantie assez suffisante de la neutralité de l’armée dans le processus en cours. Toutefois, il ne faut pas oublier que les soldats sont aussi des citoyens disposant de leur droit de vote. Ils donneront leur voix au candidat de leur choix.



LA : Comment vous définir, comparé à vos adversaires Lansana Kouyaté et Sidya Touré ? Etes-vous le candidat technocrate face aux purs politiciens ?

AIB : Je crois que vous touchez du doigt une des raisons principales de mon engagement politique. Après 52 ans de pauvreté insoutenable subie par les populations, la politique politicienne dans notre pays a montré ses limites. Notre classe dirigeante a entretenu des divisions fratricides et profondes au niveau politique, ethnique, générationnel et même institutionnel. Le peuple revendique aujourd’hui un changement radical dans la manière de gouverner le pays et il a conscience de la ferme nécessité du renouvellement du leadership politique. Moi, je ne suis pas un politicien par essence et je le revendique. Je suis un technocrate, spécialiste du développement. A mon sens, il existe un élément déterminant qui me différencie de l’essentiel des leaders politiques, candidats potentiels ou déclarés à la prochaine présidentielle. Je n’ai en aucune façon participé, de près ou de loin, à la gestion calamiteuse des ressources de notre pays. Je me considère donc comme un homme neuf, propre et crédible, capable d’incarner et instaurer le véritable changement auquel aspire la majorité des guinéens.



LA : Comment vous situer par rapport à vos adversaires comme Lansana Kouyaté et Sydia Touré ?

AIB : Vous citez Lansana Kouyaté et Sydia Touré. Pourquoi ne citer que ceux-là ? D’autres candidats sont en lice. La liste de ceux que vous appelez mes adversaires est loin d’être exhaustive. Mais, sachez que Kouyaté et Sydia sont d’abord des amis de longue date.



LA : Quelles chances donnez-vous au candidat Almamy Ibrahima Barry ? Elu dès le premier tour ?

AIB : Soyons réaliste. Le scénario d’un candidat élu au premier tour est peu probable en Guinée, compte de tenu du nombre de candidats et de l’émiettement de l’électorat. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’Almamy Ibrahima Barry a toutes ses chances d’être le prochain président de la République de Guinée.

Les Afriques.

Samedi 3 Avril 2010 - 13:07


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