Il y a des cris qui ne s’entendent pas. Des cris étouffés sous les rires de façade, les discours politiques, les statistiques maquillées. Ce sont les cris d’une jeunesse qui attend, qui espère, qui s’épuise. Une jeunesse condamnée à “prendre son mal en patience”, comme si la patience pouvait remplacer un avenir.
Le chômage des jeunes n’est pas un chiffre sur un tableau de bord ministériel. C’est un deuil collectif — celui de la promesse républicaine, celui d’une société qui a cessé d’offrir un avenir à ceux qui la portent.
En guise d’espérance
Marie Barboza MENDY– Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
Le paradoxe d’un continent jeune et sans emploi
Jamais l’Afrique n’a été aussi jeune, aussi instruite, aussi connectée. Et pourtant, jamais elle n’a semblé aussi démunie face à l’avenir. Chaque année, des milliers de diplômés sortent de nos universités, avec dans les mains un parchemin et dans le cœur une promesse. Mais cette promesse se heurte vite à un mur : le marché du travail fermé, saturé, inadapté.
Le chômage des jeunes n’est plus un chiffre, c’est une hémorragie sociale, un désastre humain, un drame silencieux qui fragilise tout un continent. Quand un jeune ne travaille pas, ce n’est pas seulement un revenu qui disparaît. C’est une énergie qui s’éteint, une créativité qui se stérilise, une confiance qui se brise.
Le chômage comme fracture morale
On parle souvent du chômage comme d’un problème économique. C’est faux — ou plutôt, c’est incomplet. Le chômage des jeunes est une fracture morale. Il détruit la dignité, altère l’équilibre psychique, déstabilise les familles et ronge la cohésion sociale.
Il pousse certains à l’exil, d’autres à la résignation, et les plus fragiles à la dérive.
Et pendant que les jeunes s’enfoncent dans le doute, la société — hypocritement — leur demande de “tenir bon”. Mais comment tenir, quand l’horizon est bouché, quand la méritocratie est une illusion, quand le rêve devient un luxe ?
Le chômage des jeunes n’est pas un chiffre sur un tableau de bord ministériel. C’est un deuil collectif — celui de la promesse républicaine, celui d’une société qui a cessé d’offrir un avenir à ceux qui la portent.
Les responsabilités : un miroir que personne ne veut regarder
Ce drame n’a pas un seul coupable. Il est le fruit d’une irresponsabilité partagée.
Les pouvoirs publics, d’abord, ont failli à leur devoir de vision. Ils ont multiplié les programmes d’urgence sans bâtir de politiques structurelles. Ils ont subventionné des illusions au lieu d’investir dans la formation, la transformation locale, la création de valeur. Ils ont confondu emploi et stage, espoir et promesse.
Les entreprises, ensuite, n’ont pas compris qu’un jeune sans emploi est une bombe sociale à retardement. Elles veulent des jeunes “expérimentés” — absurdité d’un monde où il faut avoir déjà travaillé pour qu’on vous donne votre première chance.
Les familles, parfois, perpétuent le cycle en orientant leurs enfants vers des filières “de prestige” sans débouchés, par souci d’honneur plus que de réalité. Et les jeunes eux-mêmes, souvent livrés à eux-mêmes, manquent d’accompagnement, d’information, de mentorat, de structuration.
Un malaise collectif qui nourrit la colère
Ce chômage de masse n’est pas qu’un drame individuel. C’est une bombe sociale qui explose déjà en silence. Car une jeunesse frustrée, humiliée, privée de perspective devient une jeunesse dangereuse : dangereuse pour elle-même, pour la paix, pour la société.
C’est dans ce vide que prospèrent les extrémismes, les mirages migratoires, les dérives. Le jeune qui ne trouve pas sa place finit par la chercher ailleurs, parfois au prix de sa vie. Et c’est peut-être là le plus grand échec de nos sociétés : avoir produit une génération lucide et désespérée à la fois.
Pourtant, tout n’est pas perdu
Car le désespoir n’est pas une fatalité. Il peut devenir une force de rupture si nous avons le courage de changer de paradigme.
La solution n’est pas seulement dans les politiques publiques, mais dans un réveil collectif.
• Investir massivement dans la formation professionnelle, dans l’apprentissage des métiers réels, dans l’entrepreneuriat local.
• Valoriser les métiers manuels, les innovations sociales, les créations communautaires.
• Repenser le rapport au travail non comme une fin en soi, mais comme un moyen d’expression, de contribution et de dignité.
• Créer des ponts entre générations : les anciens pour transmettre, les jeunes pour inventer.
Et surtout, redonner à la jeunesse le droit de rêver sans s’exiler.
Plaidoyer pour une société qui croit encore en sa jeunesse
Il faut le dire sans détour : une nation qui laisse sa jeunesse sans emploi est une nation qui programme son effondrement. Car l’emploi n’est pas qu’une question économique — c’est une question de justice, d’équité, de reconnaissance.
L’Afrique regorge de talents, de bras, d’idées. Ce qu’il lui manque, c’est une vision.
Une vision qui lie économie et dignité, croissance et humanité. Une vision qui dit : “Nous refusons de perdre nos enfants sur la route du désespoir.”
En guise d’espérance
Je crois à cette jeunesse. Je la vois chaque jour : inventive, débrouillarde, courageuse, lucide. Je crois en sa lumière, même quand elle est ternie par la fatigue. Mais elle a besoin qu’on la regarde autrement : non comme un problème, mais comme une solution vivante.
Que chaque gouvernement, chaque entreprise, chaque parent entende cette prière silencieuse : “Nous ne voulons pas des discours. Nous voulons des chances.”
Le chômage des jeunes n’est pas une fatalité économique — c’est un échec moral collectif que nous devons transformer en révolution de dignité.
“Quand une jeunesse n’a plus d’emploi, c’est une société tout entière qui perd sa raison d’espérer.”
Marie Barboza MENDY– Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
mendymarie.b@gmail.com
TEL. 78 291 83 25
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