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Meeting Pastef vs BBY : Sonko mène la danse, Benno se "ridiculise" et tente de faire passer un 3e mandat

Deux semaines après le « méga meeting » du principal opposant à Macky Sall, Ousmane Sonko, Benno Bokk Yakaar (BBY), a adopté la stratégie de réponse du berger à la bergère. Hier dimanche, les responsables de la coalition au pouvoir ont organisé un grand rassemblement à Pikine pour montrer aussi leur force de démonstration. Une guerre de mobilisation qui commence dans un contexte politique tendu à quelques mois de la présidentielle de 2024. Des spécialistes en sciences politiques ont analysé pour PressAfrik ces événements qui occupent l’actualité.



Dimanche 5 février, c’était au tour de Benno Bokk Yakaar, (BBY) de faire vibrer la banlieue de Dakar. La formation politique du président Macky Sall et ses alliés ont réussi le pari de la mobilisation en guise de réponse à son principal opposant : Ousmane Sonko. Qui, deux semaines avant avait décoré à lui seul Keur Massar aux couleurs de sa formation politique : le Pastef.

Cette guerre de mobilisation qui a déjà commencé sur les réseaux sociaux intervient dans un contexte politique tendu entre le pouvoir et une grande partie de l’opposition sénégalaise. En effet, selon l’opposition, le président Macky Sall a, d’une part, l’intention de briguer une troisième candidature jugée illégale mais validée par ses partisans. D’autre part, on l’accuse de vouloir écarter de la course présidentielle de 2024, Ousmane Sonko en instrumentalisant la justice l’affaire sweet beauté.

"Benno Bokk Yakaar a été ridicule"

Le pouvoir devrait-il répondre au Pastef en organisant un meeting ? La réponse est non pour Pathé Mbodji. Contacté par PressAfrik, l’analyste politique estime que BBY a été ridicule sur ce point. « D'une part, Benno Bokk Yakaar a été ridicule. On ne répond pas à un adversaire en faisant exactement comme lui. C'est-à-dire en rassemblant et en injuriant. On ne peut imposer une paix dans les rangs. Vous avez vu comment le meeting a commencé et comment ça s'est terminé, contrairement à celui de Sonko où tout s'est déroulé dans les normes du début à la fin ». 
 
D'autre part, poursuit M. Mbodji dont nous décryptons une partie de l’entretien téléphonique, « être majorité, c'est avoir une certaine originalité dans les perspectives et dans la démarche face à la demande sociale. On ne demande pas à un pouvoir d'agir comme une opposition. En le faisant, Benno semble démonter qu'elle est sans voix et qu'elle excelle dans le suivisme plutôt que dans l'innovation. Selon lui, « Il lui était heureux de nous habiter mieux que le spectacle hier avec les jets de pierres et de chaises. La réponse a été mauvaise ».
 
Sonko mène 1-0 face à un pouvoir « incapable » d'imposer la paix
 
Selon notre interlocuteur, cette guerre de rassemblement profite à l'électeur qui se fait une idée de la réalité sur le terrain. Pour le moment, sur le terrain, Sonko mène 1-0 face à un pouvoir « incapable » d'imposer la paix dans ses rangs, d'innover dans sa démarche et de proposer une originalité de la vie politique.
 
Pour lui ce que le pouvoir pourrait faire dans ce contexte tendu, c'est de répondre aux  besoins des populations. « Parce que la force de l'opposition est inversement proportionnelle au discrédit du pouvoir. Le pouvoir n'est plus un espoir ou une solution. On semble trouver cette solution dans l'opposition. Certes la conjoncture est compliquée. Nous sommes encore dans la covid-19, dans la guerre en Ukraine qui aura bientôt un an. Nous sommes toujours obligés d'attendre de l'extérieur, notre propre développement. Ce qu'il y a à faire est beaucoup plus sérieux à la promenade du président au tour d'une autosuffisance alimentaire alors qu’on n’a ni riz ni blé.... Nous sommes dans une situation de tâtonnements ».


« Il n y a plus de soupçons pour un 3e mandat »
 
Dr Adama Sadio, enseignant en Sciences politiques a d’abord analysé ces meetings sous l’angle de la communication politique. « Il me semble que ça été une réponse de Benno Bokk Yakaar notamment de l'APR. C'est le rapport de force. Mais c'est aussi la communication et l'image également est la meilleure des communications (…) Il fallait coûte que coûte donner un autre signal surtout pour la communication au niveau national mais surtout international parce que le meeting de Pastef a été repris par beaucoup de médias internationaux (…) Pour moi, c'était une réponse. Mais a-t-elle réussi ou pas?  Je donne ma langue au chat ».
 
Par ailleurs, l’enseignant en Sciences Po, n’a pas manqué de souligner un aspect qui lui semble important dans ce meeting de BBY. « Ce qui m'a le plus marqué, c'est que quand on voit certaines personnalités, on sent nettement qu'il y a le chef de l'État Macky Sall. On sent qu'il a été fortement impliqué au meeting d'hier. Il n'est pas indifférent au meeting de Pastef pour ne pas dire qu'il a été un peu atteint psychologiquement ».
 
Ce meeting de Benno semble confirmer la volonté du président Macky Sall de briquer un 3e mandat. C’est du moins ce que pense Dr Sadio. « il n y a plus de soupçons pour un 3e mandat. C'est une réalité. Le président Macky Sall, dès sa réélection, il était dans une logique de 3e candidature. La suppression du poste de Premier ministre en 2019, entrée dans cette logique d'être candidat en 2024. Et tous les faits qui se sont succédé notamment sa promenade à Guediawaye ... » 
 
un meeting pour faire cautionner le 3e mandat

Mais au-delà de cette volonté qui est prêtée à Macky Sall, il y a aussi la réalité sociologique et politique du terrain. Pour lui, meeting d'hier participe à la "construction de la réalité politique pour avaliser, cautionner et faire semblant que la majorité des Sénégalais est d'accord avec une troisième candidature. Donc, la volonté est actée depuis longtemps. Tout ceci ce n'est que du maquillage. Il n'attend que le moment venu".
 
le véritable problème de Macky et son régime
 
Cette stratégie de réponse du berger à la bergère ne me semble pas productive pour Dr Sadio. Evoquant les événements de mars 2021 (plusieurs jours de manifestations meurtrières, de casses des biens et de pillages), il dit avoir l'impression que le chef l'État Macky Sall n'a toujours pas fait la bonne analyse.

« Ce qu'on voit sur le terrain, c'est qu'il a renforcé les forces de défenses et de sécurité en termes d'éléments et de matériels. Alors que pour moi, la cause de la colère de beaucoup de Sénégalais va au-delà de l'aspect sécuritaire ou judiciaire. C'est plutôt des questions de bonne gouvernance démocratique et économique. Il y a une certaine impunité qui fait que beaucoup de proches de Macky Sall, peu importe les accusations de détournement de derniers publics, il n'y a pas de poursuite judiciaire depuis 2012 à nos jours », souligne-t-il.

Depuis quelques mois on assiste au Sénégal à une sorte de chasse aux sorcières. Des militants de l’opposition sont facilement arrêtés et jetés en prison pendant que ceux pour pouvoir vaquent à leur occupation pour les mêmes fautes commises. Ce qui met en mal la démocratie sénégalaise. « Il ne se passe pas un jour sans qu'un jeune soit arrêté et emprisonné. Ça fait mal à la démocratie sénégalaise. Beaucoup de personnes ne sont pas avec lui. Pas parce qu'il n'a pas un bilan économique, mais juste parce qu'ils ont un problème avec la liberté et la conception que le chef de l'État a aujourd'hui de la liberté. Il n'apporte pas les responsables adéquates. Et s'il continue ainsi, il y aura un mortal combat entre Macky Sall et Sonko ».
 
Face à cette situation politique tendue, Dr Sadio estime que la solution, c’est de revoir la manière de gouverner et de faire moins de judiciarisation. Dans ce combat contre l’opposition, il faut reconnaitre que le président à l'avantage d'avoir l'appareil d'État qu'il implique dans un combat purement politique. « Autrement dit, les arrestations tous azimuts, la justice, la police et la gendarmerie. Il est temps qu'il fasse une belle analyse de la situation politique du moment. Qu'il ait moins de judiciarisation du combat politique et d'apporter un semblant de bonne gouvernance économique et démocratique. Et pourquoi pas de prendre de la hauteur et de savoir que le destin d'un pays ne peut pas être lié à celui d'un seul homme ».


 
   


Lundi 6 Février 2023 - 15:48


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