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Réflexion sur le patrimoine foncier de l’aéroport de Dakar-Yoff



Réflexion sur le patrimoine foncier de l’aéroport de Dakar-Yoff
Lors de l’ouverture de la dernière campagne électorale, le candidat Macky SALL, ayant constaté et déploré la boulimie foncière de l’ancien régime, avait annoncé qu’il entendait une fois élu, organiser " un audit foncier national et  également, faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles les terres de l’aéroport ont été distribuées ".
 
Tout récemment, M. le Premier ministre s’est vu confier la mission de procéder à un recensement exhaustif de l’ensemble du Patrimoine bâti de l’Etat.
 
Il faut reconnaître qu’un Audit foncier est plus que nécessaire à la fois pour mesurer l’étendue des occupations illégales au niveau de l’Aéroport de Dakar mais également pour décourager toutes les tentatives, actuellement en cours, au niveau de l’Aéroport    Blaise DIAGNE de Diass.
 
Il est triste, en effet, de constater qu’au niveau de l’Aéroport Blaise Diagne, beaucoup de zones grevées de servitudes aéronautiques ou radio-électriques ont déjà fait l’objet d’attribution par des autorités locales mais également par le Ministère des Mines et de l’Industrie et,  curieusement, par celui de l’Environnement et de la Protection de la Nature.
 
La situation est aggravée par les tentatives de " promoteurs immobiliers " qui, sous le couvert de création de " villes nouvelles " cherchent à s’approprier de vastes espaces situés à l’intérieur du Domaine aéroportuaire de Diass.
 
Nous y reviendrons largement dans une prochaine Contribution.   
 
Pour le cas spécifique de la zone aéroportuaire de Dakar-Yoff, tout recensement foncier devra tenir compte à la fois de l’origine du Patrimoine foncier, selon qu’il provient du " Domaine aéronautique français " ou de l’expropriation pour cause d’utilité publique intervenue en 1973, mais également de l’utilisation actuelle de ce Patrimoine, " partagé " entre la Direction Générale de l’ASECNA et les Administrations sénégalaises de l’Aéroport – ADS / ANACIM-.
 
Enfin, on ne saurait procéder à un recensement sérieux et complet sans tenir compte des occupations illégales du Domaine aéroportuaire et de certains immeubles mis en location depuis de très nombreuses années, pour un montant purement symbolique,  et qui sont devenus pratiquement propriété des locataires.
 
1.   ORIGINE du PATRIMOINE
 
Le patrimoine foncier de l’Aéroport de Dakar-Yoff comprend à la fois les terres de culture acquises auprès de certaines familles sénégalaises, les terrains militaires dits de l’Aéronautique et les biens immobiliers résultant de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
 
  1. Les terrains acquis auprès des Grandes familles Léboues
 
C’est l’occasion d’apporter quelques éclaircissements en ce qui concerne la cession des terrains de l’aéroport par la Communauté léboue des villages traditionnels de Ngor, Ouakam et Yoff.
 
Il faut en effet signaler que le principal terrain de l’aéroport de Dakar reste le T.F 4407/DG du 15 Avril 1944, acquis suite à une réquisition en date du 22 Juin 1943 et pour une surface globale de 471 hectares.
 
Une liste de 91 dignitaires lébous, disponible auprès de l’Asecna, de la Direction des Domaines et de l’Agence des Aéroports du Sénégal –ADS-  précise le nom et prénoms, la date de naissance et la profession des personnes ayant cédé leurs terres, la superficie de celles-ci et le montant de la transaction.
 
Toutes ces terres ont été cédé à 40 francs le mètre carré en 1943 et pour un montant global, à l’époque, de quarante sept millions huit cent cinquante six mille six cent quarante (47.856.640) francs métropolitains soit vingt  trois millions neuf cent vingt huit mille trois cent vingt (23.928.320) francs Cfa.
 
Il est donc difficile de soutenir que le Domaine foncier aéroportuaire résulte d’une acquisition douteuse ou forcée au détriment d’une partie de notre Communauté nationale.
 
  1. Les terrains " militaires français " de l’Aéronautique
 
Ces terrains ont été mis officiellement à la disposition de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar – ASECNA - pour compter du 1er Janvier 1961.
 
C’est ainsi que dans le Procès-verbal en date du 9 Mai 1964 portant régularisation de la mise à la disposition de l’ASECNA d’immeubles appartenant à l’Etat français du Sénégal et qui fait référence à l’Accord domanial franco-sénégalais en date du 18 Septembre 1962, il est bien précisé à l’article 2 que " cette mise à disposition ne confère qu’un simple droit de jouissance à l’Agence et que cette dernière s’engage donc à restituer à l’Etat français les immeubles en cause dans le cas où elle viendrait :
 
  • à être dissoute ;
  • à cesser son activité au Sénégal ;
  • ou à ne plus avoir l’emploi de certains bâtiments et terrains, la restitution étant, en pareille hypothèse, limitée aux seuls immeubles qui lui seraient devenus inutiles ".
 
On notera que c’est l’Accord domanial précité qui procédera à une énumération de tous les T.F cédés en partie en 1962 et dans leur totalité par l’Accord domanial du 29 Mars 1974 et qui prononcera " le transfert à la République du Sénégal de la propriété de tous les terrains et immeubles immatriculés au nom de l’Etat français y compris les biens de l’Asecna …. " et qui précisera, à chaque fois, la superficie et les constructions qui y sont édifiées.
 
Il s’agit des principaux T.F de l’Aéroport Léopold S. SENGHOR, à savoir :
 
  • le 4407/DG du 15-04-1944, d’une superficie de plus de 471 ha ; 
  • le 4189/DG du 14-10-1941, d’une superficie de prés de 05 ha ;
  • le 4366/DG du 1er-07-1943, d’une superficie de 12 ha environ ;
  • le 5019/DG du 22-12-1948, d’une superficie de 62 ha 80 a ;
 
ainsi que des 199 autres T.F figurant sur les documents fournis par la Paierie de France et sur les cartes réalisées par la Direction du Cadastre du Sénégal.
 
Tous ces terrains et immeubles énumérés exhaustivement figurent dans l’accord en matière domaniale entre la France et le Sénégal, signé à Paris le 29 Mars 1974.
 
  1. Les terrains provenant de l’expropriation pour cause d’utilité publique
 
Pour des besoins d’allongement de la piste principale – 01/19 -, il a fallu procéder, en 1973, à une grande opération d’expropriation pour cause d’utilité publique, portant sur de vastes superficies situées aussi bien vers Tonghor que du côté de la VDN actuelle.
 
Ce sont de grandes surfaces situées sur l’ancienne " bande verte " et également  toutes les terres situées à l’Ouest de la VDN et dont l’occupation actuelle a fini par encercler la balise du VOR.
 
Les numéros des titres fonciers de même que les noms des anciens propriétaires figurent dans le Décret n° 74-938 du 19 Septembre 1974.
 
 
          2. ETAT ACTUEL du PATRIMOINE
 
Il est nécessaire de rappeler que conformément à l’Article 2 de la Convention et 4 des Statuts de l’ASECNA, les pays membres sont tenus de mettre à la disposition de l’Agence les immeubles et terrains nécessaires pour accomplir les missions qui lui sont confiées dans le cadre des Activités communautaires ; il en est de même pour les Activités dites nationales c'est-à-dire confiées volontairement par un Etat à l’ASECNA dans le cadre d’un Contrat particulier entre un Etat et l’ASECNA.
 
Ainsi donc, il est nécessaire pour effectuer un recensement exhaustif du Patrimoine dit aéronautique de faire la distinction entre ces différents patrimoines.
 
  1. Biens immobiliers mis à la disposition de l’ASECNA   (Direction Générale et Représentation au Sénégal).
 
Ce patrimoine comprend aussi bien les immeubles et terrains situés à l’Aéroport  - Direction technique, Représentation, une partie de la cité Batterie, …  que ceux situés en dehors de la zone aéroportuaire " stricto sensu ", à savoir :
a)    Le terrain servant de siège de la Direction Générale de l’Agence, sis à l’Avenue Jean Jaurès ; 
 
b)    La Cité Mermoz, les logements du Point E, de la rue Joffre, de la rue Jules Ferry, de la zone industrielle de Colobane, des Almadies, etc
 
c)   Les terrains de Rufisque, objet des Titres fonciers 772, 862, 995, 1140, 1502 et 1547 d’une superficie globale de plus de 36 hectares.
 
Pour rappel, tous ces terrains et immeubles figurent sur des cartes et documents ad hoc, disponibles au niveau de l’ASECNA et des Administrations et Services aéronautiques déjà cités.
 
            B. Terrains relevant de l’Agence des Aéroports du Sénégal – ADS -
 
Ce sont principalement les terrains et immeubles constituant les locaux des ADS et  de l’ANACIM ou ayant fait l’objet d’une Convention d’Occupation temporaire pour les besoins d’exploitation de l’Aéroport. Ils constituent le Domaine public dit artificiel de l’Aéroport.
 
Ces immeubles et terrains figurent à l’Annexe 2 du Contrat Particulier du 7 Décembre 1987 qui abroge et remplace celui du 1er Janvier 1961, signé entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’ASECNA.
 
            C. Terrains et immeubles en location
 
          La location d’immeubles de l’Aéronautique Civile concerne à la fois  l’Administration des Postes (logements), le " village paroissial " de l’aéroport comprenant l’Eglise Saint Christophe et ses dépendances, de même que l’Ecole " Présentation de Marie ", des hangars et terrains aux Almadies, le Club sportif de l’aéroport – ASAC -, le terrain contiguë à l’Eglise Ste Anne de  Bel Air d’une superficie de plus de 5100 m2, le terrain de la SAIB, etc …..
 
Les contrats de location qui précisent les noms et adresses des locataires, la superficie des espaces loués et le montant de la location figurent dans des documents disponibles à l’Asecna et auprès des  autres Administrations de l’Aéroport.
 
        3. BIENS OCCUPES ILLEGALEMENT
 
 
Les occupations illégales du Domaine aéroportuaire soulèvent un certain nombre de problèmes liés à la fois aux installations " autorisées " sur le périmètre aéroportuaire et également aux occupations illégales sur certaines zones grevées de servitudes et  notamment sur l’ensemble de la " bande verte " , suite à l’expropriation pour cause d’utilité publique intervenue en 1973.
 
A.   Les ILLEGAUX de la liste des " Quatre cents (400) ".  
 
De 800 hectares initialement, le Périmètre aéroportuaire est à présent nettement  inférieur à 600 hectares. Cette occupation illégale s’est surtout accentuée dans les années 90 avec l’occupation des titres fonciers T.F 4366, 4189 et 5019/DG situés au Nord et à l’Ouest de la cité Asecna-Batterie – cités BIAGUI et Cadres Lébous entre autres – suivie du " dépeçage " de l’ancienne école d’Air Afrique au profit de certaines autorités de la République et, paradoxalement, de hauts cadres de l’Aéronautique civile.
 
Le nombre de ces occupations illégales dépassait les 400 en 1995 ; la liste de ces personnes avec leurs noms, dates de naissance, professions, etc …., établie par la Conservation foncière, est disponible au niveau de l’ASECNA.
 
Certes, beaucoup de ces illégaux disposent à présent de documents " valables " même si, comme le constatait Monsieur le Juge, le soubassement juridique des actes d’attribution n’était pas légal.
 
En effet, l’Avocat de l’ASECNA – M. le Bâtonnier Y. THIAM – avait même pu obtenir du juge, lors de l’audience du 28 Avril 1997, l’autorisation d’expulsion d’un grand nombre de ces occupants illégaux bien que la mesure n’ait jamais été suivie d’effet.
 
C’est pourquoi, tout recensement de terrains et immeubles du domaine aéroportuaire de Yoff devra forcément tenir compte de cet état de fait.
 
 
B.   L’Expropriation pour cause d’utilité publique de 1973
 
Ce sont les terrains repris par l’Etat et mis à la disposition de l’ASECNA – Activités Nationales - qui s’est chargée du paiement des impenses ; toutefois, certains bénéficiaires n’ont pas jugé utile, à l’époque, de venir prendre leurs impenses compte tenu de la modicité des indemnités – cent (100) francs le mètre carré -.
 
Cette opération d’utilité publique a cependant engendré beaucoup d’injustices surtout si on tient compte du fait que ces terres sont souvent cédés gratuitement à des tiers qui les revendent à des prix prohibitifs alors que les anciens propriétaires, respectueux de la Loi et ayant cédé leurs biens pour cause d’utilité publique, sont connus et figurent dans le Décret précité.
 
Rien ne s’oppose d’ailleurs à ce que les anciens propriétaires puissent recouvrer leurs biens puisqu’il ne s’agit plus " d’utilité publique ".
 
 
 
En conclusion, il faut signaler le caractère urgent de l’Audit foncier au vu des occupations illégales de toutes les zones de servitudes malgré tous les efforts fournis par la Commission des Servitudes aéronautiques, ce qui constitue à présent une menace sérieuse pour l’aéroport de Dakar-Yoff  et les populations résidant dans ses environs.
 
Il est, du reste, souhaitable de combiner le recensement prévu avec un Audit foncier,  notamment au niveau de Diass, au vu des nombreuses attributions de terres pour des besoins de carrières, d’installations de cimenteries ou de constructions immobilières. Il y a même des sociétés de transport et de tourisme à avoir bénéficié de cette manne frauduleuse.
 
La situation est si préoccupante que des actions urgentes et fortes deviennent plus que nécessaires.
 
                                                                                     
                                                                                Dakar, le 27 Février 2013
 
 
Djibril Birasse BA  
Cadre aéronautique / Juriste en Droit des Affaires  
                                ----------------------
dbba25@yahoo.fr


Mercredi 13 Mars 2013 - 18:05


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1.Posté par MOÏSE S. le 17/03/2013 21:20
Enfin des informations et éclairages sérieux sur cet aéroport. Merci et félicitations.

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