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«Il n’y a pas d’alternative, il faut créer un Etat palestinien»

Au Caire, les pourparlers sur Gaza reprennent donc pour tenter de prolonger durablement la trêve qui prend fin mardi 19 août. Ces négociations sont difficiles tant chaque parti campe sur ses positions. Uri Savir a répondu aux questions de RFI. Il est l’un des négociateurs des accords d’Oslo et directeur du Centre Peres pour la Paix.



Uri Savir, à droite, sert la main du négociateur palestinien Ahmed Qorei Abu Ala, en septembre 1995. AFP/MENAHEM KAHANA
Uri Savir, à droite, sert la main du négociateur palestinien Ahmed Qorei Abu Ala, en septembre 1995. AFP/MENAHEM KAHANA

Uri Savir : Dans une guerre, les deux camps perdent toujours. Je crois que la vraie solution n’est pas dans ces négociations aujourd’hui ou demain au Caire, pour un cessez-le-feu durable mais plutôt en renouvelant le processus de paix par la création d’un Etat palestinien. Ces négociations ne doivent pas se faire avec le Hamas qui ne reconnaît pas Israël et qui poursuit ses actions terroristes, mais avec Mahmoud Abbas le chef de l’OLP, le chef du Fatah.

A long terme, la seule solution est la création d’un Etat palestinien sous conditions. Elle doit assurer la sécurité pour Israël et la croissance économique pour les Palestiniens. En ce moment, il s’agit plutôt d’un accord à caractère tactique pour un cessez-le-feu durable et bien sûr pour améliorer la situation économique de la population de Gaza.

Dans des négociations, il y a toujours des concessions à faire pour obtenir la fin de la guerre. Quelles concessions vont faire le Hamas et l’Etat hébreu ?

Le Hamas ne va pas faire les concessions qui sont nécessaires pour la population de Gaza.  Le Hamas devrait investir toute l’aide économique que la communauté internationale est prête à recueillir pour Gaza, même sous régime du Hamas, dans le développement économique de la bande de Gaza. Il devrait créer une réalité économique totalement différente de ce qu’elle est maintenant en développant les écoles, les hôpitaux, le tourisme mais malheureusement, je crois que le Hamas va continuer à investir les fonds dans le réarmement, dans les missiles, dans les tunnels.

L’option militaire reste la principale priorité du Hamas ?

C’est quasiment sa seule priorité parce que c’est un mouvement intégriste qui croit uniquement en une solution par la violence.

Les négociations avec le Hamas sont difficiles. Elles se poursuivent depuis plusieurs jours au Caire avec des cessez-le-feu qui sont interrompus, qui reprennent. Ce sont des négociations indirectes puisqu’il n’y a pas d’interlocuteur direct qui fait face à Israël. Cette organisation palestinienne est-elle aujourd’hui, selon vous, l’interlocuteur de l’Etat hébreu ou faut-il s’orienter vers le Fatah ?

Il faut totalement s’orienter vers le Fatah parce que les dissensions entre celui-ci et le Hamas portent sur le caractère même de la Palestine et de l’Etat palestinien futur. Le Fatah est une organisation laïque, pragmatique, plutôt modérée qui vise de bonnes relations internationales et le développement économique. Le Hamas est plutôt religieux, intégriste et je crois qu’il mène à la catastrophe les Palestiniens.

Il y a un autre acteur qui est très important en ce moment, c’est le général al-Sissi et l’Egypte.  Je crois que c’est grâce à lui qu’il y aura un accord. Je suis assez optimiste pour un accord cette semaine, au Caire, pour un cessez-le-feu durable, avec l’ouverture des passages entre Israël et la bande de Gaza et l’ouverture du passage de Rafah entre l’Egypte et Gaza.

Le Hamas réclame aussi l’ouverture sur la mer pour avoir un port ou un aéroport. Cela pourrait avoir lieu si le Hamas accepte la démilitarisation totale de la bande de Gaza, comme c’était prévu d’ailleurs par les accords d’Oslo auxquels j’ai participé. Je crois qu’à la fin de cette confrontation, il y aura une Egypte beaucoup plus forte au sein du monde arabe, il y aura probablement une présence plus forte des forces du Fatah de Mahmoud Abbas. Je crois qu’il y aura une opportunité à saisir pour renouveler le processus de paix. Est-ce que le gouvernement de Netanyahu est prêt à le faire ? J’en doute sincèrement.

Auri Savir, le Hamas est qualifié de terroriste par Israël. Si on revient en arrière, il y a quelques décennies, l’OLP était aussi diabolisée. Finalement, celle-ci est devenue l’interlocutrice d’Israël. N’est-on pas dans le même schéma aujourd’hui avec le Hamas ?

Je ne crois pas. D’abord, le Hamas n’est pas seulement reconnu par Israël comme une organisation terroriste mais aussi par toute l’Union européenne y compris par la France et par les Etats-Unis. L’OLP a été la première à commencer les négociations officielles en 1993. Lorsqu’on a rencontré l’OLP et Yasser Arafat, il y avait des changements profonds dans l’attitude politique de l’organisation envers la légitimité d’Israël, envers la volonté de résoudre le problème par la négociation et sur la volonté de créer un Etat palestinien. L’OLP n’était pas dans une stratégie de violence, de terrorisme qui n’aboutit à rien. Je ne crois pas que le Hamas, comme les frères musulmans, soit prêt à un profond changement, qui est absolument nécessaire pour l’intérêt et le bien de la population palestinienne.

Les Israéliens ne connaissent pas bien les Palestiniens. Ils voient ce qui se passe en Palestine essentiellement par le biais de la télévision. Les Israéliens ne se sont-ils pas habitués à un statu quo, à un conflit larvé, avec des attaques sporadiques ? Ont-ils vraiment envie d’un changement ?

Je crois que la majorité des Israéliens ont intérêt que les choses changent, à la mise en place de la paix. Mais il y a une suspicion très forte, peut-être même exagérée de la part de notre population qui est encore plus importante depuis le retrait israélien de Gaza et le retrait total des implantations de Gaza. Au lieu de choisir la paix, le Hamas a pris le contrôle, à fabriquer des missiles et à attaquer le sud d’Israël. C’était une erreur stratégique tragique de la part du Hamas.

Je fais partie d’une minorité qui reste encore optimiste et je travaille beaucoup pour la mise en place d’un dialogue, pas seulement entre les gouvernements mais aussi entre les deux peuples. Il existe une seule solution, il n’y a pas d’alternative, il faut créer un Etat palestinien. Il faut mettre fin à l’occupation israélienne et mettre fin à la violence et au terrorisme palestinien. Je crois que c’est possible, ça va prendre du temps mais dans la recherche de la paix, il faut toujours beaucoup de patience.

Source : Rfi.fr
 



Dimanche 17 Août 2014 - 11:50