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Rapport annuel sur les journalistes en prison au Sénégal : les failles et incohérences sur le cas René Capain Bassène

Le Comité de Protection des Journalistes (CPJ) a rendu public, ce jeudi 16 janvier, son rapport annuel sur les journalistes incarcérés au Sénégal. Ce rapport met en lumière le cas du journaliste René Capain Bassène, condamné à vie en lien avec le massacre survenu en 2018 dans la forêt des Bayottes, en Casamance. La rédaction de PressAfrik, après avoir consulté ce document, en publie quelques extraits.



Rapport annuel sur les journalistes en prison au Sénégal : les failles et incohérences sur le cas René Capain Bassène
Le massacre des coupeurs de bois et l'arrestation de René Capain Bassène
En 2018, 14 coupeurs de bois ont été tués dans la forêt des Bayottes. Le journaliste René Capain Bassène a été arrêté huit jours après les meurtres. En 2022, il a été condamné à la prison à vie pour complicité de meurtre, tentative de meurtre et association de malfaiteurs, des accusations que des témoins ont contestées. Selon ces derniers, "des crimes qu'il n’aurait pas pu commettre", comme l’a rapporté le CPJ.

Fin 2024, l'examen des documents judiciaires et des entretiens réalisés par le CPJ a révélé que l'enquête contre Bassène était entachée de nombreuses irrégularités. Plusieurs personnes acquittées ont déclaré avoir été contraintes d'impliquer le journaliste ou de signer des procès-verbaux erronés. De plus, l'enquête s’est appuyée sur des preuves incohérentes concernant la localisation de Bassène au moment des meurtres. Le CPJ a également exprimé des doutes quant à l'authenticité des courriels qui lui sont attribués. Le journaliste a par ailleurs affirmé avoir été maltraité en détention, et des documents médicaux font état d'une blessure à l'oreille consécutive à un "traumatisme".

Un lien entre l'emprisonnement et son travail journalistique
L’enquête du CPJ a également révélé que l’emprisonnement de Bassène pourrait être lié à ses activités journalistiques. Des documents judiciaires montrent que les procureurs ont mentionné ses appels téléphoniques et courriels avant et après les meurtres, dans leurs arguments à charge. Ces éléments ont conduit Bassène à figurer, en 2024, parmi les journalistes emprisonnés dans le monde, selon le recensement annuel du CPJ. Le Sénégal, malgré l’élection d’un nouveau président et d'un parlement réformateur en 2024, figure parmi les cinq pays africains qui emprisonnent le plus de journalistes, selon le recensement 2023 du CPJ.

Un journaliste déterminé à exposer les profiteurs du conflit casamançais
Le CPJ note que René Capain Bassène est victime de sa détermination à dévoiler ceux qui profitent du conflit en Casamance. Il avait prévu de publier un livre intitulé "Un conflit qui nourrit plus qu'il ne tue", dans lequel il aurait détaillé les profits tirés du conflit, incluant ceux réalisés par certains dirigeants locaux, des ONG impliquées dans la négociation de la paix, et les trafiquants de bois illégaux. Comme il l’a déclaré au CPJ lors d’entretiens téléphoniques depuis la prison, "Mon principe a toujours été d’aller chercher des informations à la source".

Des preuves contradictoires et des témoignages sous contrainte
Les documents judiciaires révèlent des incohérences importantes concernant les preuves et les témoignages. La gendarmerie a affirmé que le téléphone de Bassène avait été géolocalisé dans la forêt de Boffa Bayotte le jour des meurtres, aux côtés de ceux de plusieurs de ses coaccusés. Cependant, des témoins, y compris l’épouse de Bassène et d’autres personnes de la région, ont confirmé que le journaliste se trouvait à Ziguinchor, à plusieurs kilomètres du lieu du massacre. Bassène lui-même a déclaré avoir appris la tragédie à la radio, alors qu’il se trouvait au terrain de football avec un voisin.

Faux témoignages sous contrainte et interrogatoires brutaux
De nombreux accusés dans cette affaire ont contesté les témoignages attribués lors de leurs interrogatoires, affirmant avoir été soumis à des actes de torture pour les contraindre à signer des aveux. Plusieurs d’entre eux ont confirmé avoir été maltraités, dont Abdou Karim Sagna, un autre coaccusé, qui a été interrogé sous la menace d’une arme et a dû signer des déclarations falsifiées.

Bassène lui-même a rapporté avoir été victime de traitements brutaux après son arrestation. Les gendarmes ont retardé son interrogatoire de quatre jours, pendant lesquels il a été maltraité physiquement. Il a également indiqué qu'il avait été soumis à des sévices, y compris des coups et des décharges électriques. En outre, il a été enfermé dans une cellule insalubre et isolé, sans accès à un avocat pendant les interrogatoires.

Des courriels douteux et l’accusation de liens avec le MFDC
L’accusation repose en partie sur des courriels prétendument envoyés par Bassène à des membres du MFDC. Cependant, il a nié toute implication avec le mouvement et a contesté l’authenticité de certains courriels présentés en tant que preuves. L’équipe de défense de Bassène a également remis en question ces preuves, notamment en ce qui concerne un courriel envoyé après son arrestation, période durant laquelle il n’avait aucun accès à un téléphone ou à internet.

L’appel et la résistance de Bassène face à l'injustice

Malgré les épreuves et la durée de son incarcération, Bassène reste déterminé à faire valoir son innocence. En attendant son appel devant la Cour suprême, il continue de se consacrer à ses activités intellectuelles à la prison de Ziguinchor, en lisant, écrivant et aidant d’autres détenus. Il a déclaré au CPJ : "Je suis prêt à passer ma vie en prison, mais ce que je ne supporte pas, c’est l’injustice de m’entendre dire que je n’ai pas été arrêté à cause de mon travail de journaliste."

Babou Diallo

Jeudi 16 Janvier 2025 - 20:15


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