Cherchez l’erreur. Le Petit Livre rouge de Mao Zedong et la casquette rouge « Make America Great Again » de Donald Trump. Comment deux objets aussi politiquement différents peuvent-ils être de la même couleur ? Le recueil des citations du Grand Timonier est l’un des symboles de la tradition révolutionnaire communiste. Le couvre-chef de l’ex-président républicain est devenu en quelques années le nouvel emblème de la suprématie blanche.
« Toute couleur est ambivalente du point de vue social et culturel. » Cette phrase de l’historien Michel Pastoureau s’applique à merveille aux paradoxes du rouge. Ce spécialiste des symboles et de l’héraldique, la science du blason, a d’ailleurs consacré à l’histoire de cette couleur un livre paru en 2016. « Le christianisme médiéval va organiser la symbolique de la couleur rouge autour de quatre pôles, expliquait-il lors d’une conférence en 2017 à l’université de Genève. Les pères de l’Église distinguent quatre rouges en s’appuyant sur deux référents : le feu et le sang, avec l’idée qu’il y a un bon et un mauvais feu, un bon et un mauvais sang. Le bon feu, c’est celui de l’esprit sain, c’est l’esprit de Dieu qui descend le jour de la Pentecôte sur les apôtres sous la forme d'une langue de feu. Le mauvais feu, ce sont les flammes de l’enfer. Quant au mauvais sang, c’est le sang des crimes de sang, des sangs impurs, des sangs injustement versés. Et puis le bon sang, c’est naturellement le sang du Christ sur la croix, le sang rédempteur et salvateur. »
Sang du Christ sur la croix, de Jésus qui se sacrifie. Voilà sans doute la signification politique la plus marquante du rouge dans l’histoire occidentale : le courage du sacrifice pour des valeurs, une religion, un pays. Le rouge symbolise naturellement ensuite le sang des martyrs chrétiens. Regardez la croix rouge sur fond blanc du légendaire Saint-Georges terrassant le dragon. Ce soldat de la garde prétorienne de l’empereur romain Dioclétien refusa de renier sa foi chrétienne. Il fut tué pour cela le 23 avril 303. Sa croix rouge devint la bannière de la première croisade. Au Bas Moyen-Âge, elle fut adoptée comme le drapeau national de l’Angleterre, avant de s’intégrer dans l’Union Jack britannique en 1606.
De l'ordre à la Révolution
Près de 200 ans plus tard, le rouge fait une nouvelle entrée fracassante en politique. Jusqu’à la Révolution française, « sous l’Ancien Régime, sortir un drapeau rouge, c’est avertir d’un danger, donc c’est un drapeau animé de bonnes intentions, assez pacifique », indique Michel Pastoureau. C’est même le symbole du maintien de l’ordre par la loi du 21 octobre 1789 contre les attroupements, ou loi martiale. « La force militaire doit être déployée » dans le cas où « la tranquillité publique serait en péril », dit l’article 1. « Cette déclaration se fera en exposant à la principale fenêtre de la maison de ville et en portant dans toutes les rues et carrefours, un drapeau rouge », stipule l’article 2.
Mais tout change le 17 juin 1791. Après la fuite manquée de Louis XVI à Varenne, une foule se rassemble sur le Champ-de-Mars, au centre de Paris. Camille Desmoulins, Marat et Robespierre sont là. Ils font signer une pétition demandant la déchéance du roi qui a trahi les Français et la proclamation d'une République. « Mais il y a trop de monde, raconte Michel Pastoureau. Soudain, il y a des mouvements de foule, ça s’agite. Les autorités sortent le drapeau rouge pour inviter la foule à se disperser. On ne sait pourquoi, la troupe tire, il y a des morts : les premiers martyrs de la Révolution. Et dès le lendemain, ce drapeau pacifique est devenu un drapeau politique : un drapeau insurrectionnel. Teinté du sang des martyrs, il devient l’emblème du peuple révolté. »
Le drapeau rouge sera repris tout au long du XIXe siècle, dans les révolutions françaises, celles de 1830 et de 1848, celle de la Commune de Paris en 1871, où il devient le drapeau des insurgés prolétaires. Le rouge signifie alors la Révolution par excellence, en marche ou accomplie. Il annonce la fête de l'humanité et son avenir radieux. La gauche, puis le marxisme et le communisme en font leur étendard. L'Union soviétique et la Chine populaire l'adoptent ensuite comme drapeau national. À Pékin, tout tient alors dans cette chanson à la gloire de Mao : « L'Orient est rouge » (Dongfang hong), plus tard devenu l'hymne de la Révolution culturelle.
« Toute couleur est ambivalente du point de vue social et culturel. » Cette phrase de l’historien Michel Pastoureau s’applique à merveille aux paradoxes du rouge. Ce spécialiste des symboles et de l’héraldique, la science du blason, a d’ailleurs consacré à l’histoire de cette couleur un livre paru en 2016. « Le christianisme médiéval va organiser la symbolique de la couleur rouge autour de quatre pôles, expliquait-il lors d’une conférence en 2017 à l’université de Genève. Les pères de l’Église distinguent quatre rouges en s’appuyant sur deux référents : le feu et le sang, avec l’idée qu’il y a un bon et un mauvais feu, un bon et un mauvais sang. Le bon feu, c’est celui de l’esprit sain, c’est l’esprit de Dieu qui descend le jour de la Pentecôte sur les apôtres sous la forme d'une langue de feu. Le mauvais feu, ce sont les flammes de l’enfer. Quant au mauvais sang, c’est le sang des crimes de sang, des sangs impurs, des sangs injustement versés. Et puis le bon sang, c’est naturellement le sang du Christ sur la croix, le sang rédempteur et salvateur. »
Sang du Christ sur la croix, de Jésus qui se sacrifie. Voilà sans doute la signification politique la plus marquante du rouge dans l’histoire occidentale : le courage du sacrifice pour des valeurs, une religion, un pays. Le rouge symbolise naturellement ensuite le sang des martyrs chrétiens. Regardez la croix rouge sur fond blanc du légendaire Saint-Georges terrassant le dragon. Ce soldat de la garde prétorienne de l’empereur romain Dioclétien refusa de renier sa foi chrétienne. Il fut tué pour cela le 23 avril 303. Sa croix rouge devint la bannière de la première croisade. Au Bas Moyen-Âge, elle fut adoptée comme le drapeau national de l’Angleterre, avant de s’intégrer dans l’Union Jack britannique en 1606.
De l'ordre à la Révolution
Près de 200 ans plus tard, le rouge fait une nouvelle entrée fracassante en politique. Jusqu’à la Révolution française, « sous l’Ancien Régime, sortir un drapeau rouge, c’est avertir d’un danger, donc c’est un drapeau animé de bonnes intentions, assez pacifique », indique Michel Pastoureau. C’est même le symbole du maintien de l’ordre par la loi du 21 octobre 1789 contre les attroupements, ou loi martiale. « La force militaire doit être déployée » dans le cas où « la tranquillité publique serait en péril », dit l’article 1. « Cette déclaration se fera en exposant à la principale fenêtre de la maison de ville et en portant dans toutes les rues et carrefours, un drapeau rouge », stipule l’article 2.
Mais tout change le 17 juin 1791. Après la fuite manquée de Louis XVI à Varenne, une foule se rassemble sur le Champ-de-Mars, au centre de Paris. Camille Desmoulins, Marat et Robespierre sont là. Ils font signer une pétition demandant la déchéance du roi qui a trahi les Français et la proclamation d'une République. « Mais il y a trop de monde, raconte Michel Pastoureau. Soudain, il y a des mouvements de foule, ça s’agite. Les autorités sortent le drapeau rouge pour inviter la foule à se disperser. On ne sait pourquoi, la troupe tire, il y a des morts : les premiers martyrs de la Révolution. Et dès le lendemain, ce drapeau pacifique est devenu un drapeau politique : un drapeau insurrectionnel. Teinté du sang des martyrs, il devient l’emblème du peuple révolté. »
Le drapeau rouge sera repris tout au long du XIXe siècle, dans les révolutions françaises, celles de 1830 et de 1848, celle de la Commune de Paris en 1871, où il devient le drapeau des insurgés prolétaires. Le rouge signifie alors la Révolution par excellence, en marche ou accomplie. Il annonce la fête de l'humanité et son avenir radieux. La gauche, puis le marxisme et le communisme en font leur étendard. L'Union soviétique et la Chine populaire l'adoptent ensuite comme drapeau national. À Pékin, tout tient alors dans cette chanson à la gloire de Mao : « L'Orient est rouge » (Dongfang hong), plus tard devenu l'hymne de la Révolution culturelle.
Pourquoi retrouve-t-on aujourd'hui le rouge comme couleur politique des républicains aux États-Unis ? Les fameux « États rouges » acquis au Grand Old Party durant les élections américaines auraient-ils le même sens que la « ceinture rouge » des mairies communistes autour de Paris ? Non, bien sûr ! Le paradoxe ne manque pas de piment. Car jusqu’après la fin de la guerre froide, il est impossible aux partis politiques américains de se parer de rouge vif tant la référence à l’ennemi soviétique est infamante. Dans les années 1990 encore, démocrates et républicains se distinguent surtout par leur totem animalier, l'âne pour les premiers, l'éléphant pour les seconds.
Se produit alors un phénomène étrange, caractéristique des Américains. En 2000, lors de l'interminable élection présidentielle qui oppose George W. Bush et Al Gore, ce sont les grands médias qui décident de la couleur des deux principaux partis. Comment ? Archie Tse, le graphiste du New York Times, l'expliquera plus tard : « J'ai choisi le rouge (red) pour les républicains, car les deux mots commencent par un "r", c'était plus simple. » Entre le 7 novembre, jour du scrutin présidentiel, et le 12 décembre, date de la décision de la Cour suprême d'accorder la victoire au candidat républicain, s'écoulent cinq longues semaines de comptage et de recomptage des bulletins en Floride. Alors qu'aucun des grands médias jusque-là n'utilisait le même code couleur pour les cartes électorales, tous décident cette fois de s'aligner sur le « bleu démocrate » et le « rouge républicain », par simple souci de clarté pour leurs téléspectateurs ou leurs lecteurs.
Pourquoi alors les républicains ont-ils accepté d'adopter le rouge ? Un parti n'est-il pas maître de son identité visuelle ? « Les États-Unis sont un pays jeune qui n’a pas tradition en tant que telle, rappelle Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l'université Paris II Assas. Leur histoire est mouvante : ce sont les médias qui font l'opinion et qui racontent cette histoire. Les gens adhèrent. Ils sont pragmatiques : si un groupe s'identifie autour de telle couleur, pourquoi pas ? » À la fin du XIXe siècle, les couleurs servaient simplement à aider les électeurs à identifier les partis, rappelle encore le chercheur : « Au Texas, dans les années 1880, le bulletin de vote républicain était rouge : c'était juste un code couleur, sans autre signification, pour aider les Américains, dont très peu savaient lire. »
Puis est arrivé un homme d'affaires assez doué en marketing : Donald Trump. Le candidat républicain à la présidentielle de novembre 2016 a l'idée d'une casquette toute rouge, où il inscrit en lettres capitales blanches son slogan de campagne : « Make America Great Again » (« Restaurer la grandeur de l'Amérique »), dont l'acronyme « MAGA » fait florès auprès de ses partisans. « La casquette de baseball est une marque de reconnaissance aux États-Unis : on la porte dans un match de foot, de hockey, dans une université, précise Jean-Éric Branaa. Cette casquette est vraiment devenue une marque politique des républicains : si vous voyez une foule avec des casquettes rouges, vous dites Trump ! Avant lui, ça n’existait pas. Personne n’a commercialisé comme Trump cet objet fétiche. À tel point que de nombreux supporteurs des équipes de football américain de New York ou de San Francisco, dont le rouge est la couleur, ne veulent plus porter de casquette cramoisie, car ils ont peur d’être catalogués trumpistes ! »
Donald Trump met sa casquette rouge «Make America Great Again» («Restaurer la grandeur de l'Amérique»), lors de l'un de ses meetings électoraux de candidat à la présidentielle, le 1er juin 2016.
Donald Trump met sa casquette rouge «Make America Great Again» («Restaurer la grandeur de l'Amérique»), lors de l'un de ses meetings électoraux de candidat à la présidentielle, le 1er juin 2016. AP - Jae C. Hong
Les prises de position du magnat de l'immobilier vont changer encore le sens du rouge. Donald Trump devient le représentant de l'Amérique blanche qui se sent menacée par la montée démographique des minorités, et qui a peur de perdre ainsi sa suprématie socio-politique. Il évite consciencieusement de condamner les dérives violentes de l'extrême droite américaine, des néo-nazis aux membres du Ku Klux Klan, en passant par tous ceux qui arborent le drapeau confédéré. « Aujourd'hui, porter la casquette "MAGA", c'est comme s'enrouler dans le drapeau sudiste », écrit une éditorialiste du Washington Post. Étendard de l'armée sécessionniste en 1863, qui refusait d'abolir l'esclavage et avec lui son modèle économique, le « Dixie Flag » est devenu un symbole ouvertement raciste au XXe siècle. Depuis les années 1930, il a été récupéré par les partisans de la ségrégation raciale, dont le KKK.
Or, le rouge vif est une des couleurs marquantes du drapeau confédéré : il colore le fond sur lequel est apposé une croix bleue en « x », ornée des étoiles représentant les 13 États en rupture avec le Nord pendant la guerre de Sécession. Selon une interprétation qui circule largement sur internet sous l'influence des évangéliques, la bannière aurait une signification religieuse : la croix bleue de Saint André/Andrew, premier disciple de Jésus et patron de l'Écosse, et le rouge du sang christique. La boucle est-elle bouclée ? Le rouge de la casquette trumpiste serait-il aussi un symbole chrétien ? « Ce n'était pas le cas au moment de la Confédération », resitue Jean-Éric Branaa. En effet, William Porcher Miles, le créateur du drapeau, avait tenu à lui donner un sens agnostique pour éviter les critiques des protestants et des juifs dans l'armée confédérée. Les couleurs étaient, insistait-il, les mêmes que celles du Stars and Stripes national, dont le rouge est « symbole de résistance (hardiness) et de bravoure (valor) ».
Des partisans de Donald Trump arborent un drapeau confédéré avec l'inscription «Trump 2016», lors d'un meeting du candidat républicain à la présidentielle, le 3 novembre 2016.
Des partisans de Donald Trump arborent un drapeau confédéré avec l'inscription «Trump 2016», lors d'un meeting du candidat républicain à la présidentielle, le 3 novembre 2016. AP - Matt Rourke
Lourd de sens, aléatoire ou utilitaire, le rouge aux États-Unis est désormais marqué politiquement. « On ne pourra plus revenir en arrière après Trump », constate le chercheur français. « Alea jacta est », « Les dés sont jetés », selon la phrase prêtée par Suétone à Jules César franchissant le Rubicon. Ce petit fleuve côtier séparait la Gaule cisalpine de l'Italie à l'époque de la République romaine. Teintée par la terre, l'eau du Rubicon était rouge, dit la légende. Selon la loi, aucun général ne pouvait passer cette limite avec ses soldats en armes sans l'autorisation du Sénat. Une façon de protéger Rome d'un coup d'État militaire. En désobéissant, César entre de façon irréversible dans l'illégalité. Il franchit la ligne rouge.
Se produit alors un phénomène étrange, caractéristique des Américains. En 2000, lors de l'interminable élection présidentielle qui oppose George W. Bush et Al Gore, ce sont les grands médias qui décident de la couleur des deux principaux partis. Comment ? Archie Tse, le graphiste du New York Times, l'expliquera plus tard : « J'ai choisi le rouge (red) pour les républicains, car les deux mots commencent par un "r", c'était plus simple. » Entre le 7 novembre, jour du scrutin présidentiel, et le 12 décembre, date de la décision de la Cour suprême d'accorder la victoire au candidat républicain, s'écoulent cinq longues semaines de comptage et de recomptage des bulletins en Floride. Alors qu'aucun des grands médias jusque-là n'utilisait le même code couleur pour les cartes électorales, tous décident cette fois de s'aligner sur le « bleu démocrate » et le « rouge républicain », par simple souci de clarté pour leurs téléspectateurs ou leurs lecteurs.
Pourquoi alors les républicains ont-ils accepté d'adopter le rouge ? Un parti n'est-il pas maître de son identité visuelle ? « Les États-Unis sont un pays jeune qui n’a pas tradition en tant que telle, rappelle Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l'université Paris II Assas. Leur histoire est mouvante : ce sont les médias qui font l'opinion et qui racontent cette histoire. Les gens adhèrent. Ils sont pragmatiques : si un groupe s'identifie autour de telle couleur, pourquoi pas ? » À la fin du XIXe siècle, les couleurs servaient simplement à aider les électeurs à identifier les partis, rappelle encore le chercheur : « Au Texas, dans les années 1880, le bulletin de vote républicain était rouge : c'était juste un code couleur, sans autre signification, pour aider les Américains, dont très peu savaient lire. »
Puis est arrivé un homme d'affaires assez doué en marketing : Donald Trump. Le candidat républicain à la présidentielle de novembre 2016 a l'idée d'une casquette toute rouge, où il inscrit en lettres capitales blanches son slogan de campagne : « Make America Great Again » (« Restaurer la grandeur de l'Amérique »), dont l'acronyme « MAGA » fait florès auprès de ses partisans. « La casquette de baseball est une marque de reconnaissance aux États-Unis : on la porte dans un match de foot, de hockey, dans une université, précise Jean-Éric Branaa. Cette casquette est vraiment devenue une marque politique des républicains : si vous voyez une foule avec des casquettes rouges, vous dites Trump ! Avant lui, ça n’existait pas. Personne n’a commercialisé comme Trump cet objet fétiche. À tel point que de nombreux supporteurs des équipes de football américain de New York ou de San Francisco, dont le rouge est la couleur, ne veulent plus porter de casquette cramoisie, car ils ont peur d’être catalogués trumpistes ! »
Donald Trump met sa casquette rouge «Make America Great Again» («Restaurer la grandeur de l'Amérique»), lors de l'un de ses meetings électoraux de candidat à la présidentielle, le 1er juin 2016.
Donald Trump met sa casquette rouge «Make America Great Again» («Restaurer la grandeur de l'Amérique»), lors de l'un de ses meetings électoraux de candidat à la présidentielle, le 1er juin 2016. AP - Jae C. Hong
Les prises de position du magnat de l'immobilier vont changer encore le sens du rouge. Donald Trump devient le représentant de l'Amérique blanche qui se sent menacée par la montée démographique des minorités, et qui a peur de perdre ainsi sa suprématie socio-politique. Il évite consciencieusement de condamner les dérives violentes de l'extrême droite américaine, des néo-nazis aux membres du Ku Klux Klan, en passant par tous ceux qui arborent le drapeau confédéré. « Aujourd'hui, porter la casquette "MAGA", c'est comme s'enrouler dans le drapeau sudiste », écrit une éditorialiste du Washington Post. Étendard de l'armée sécessionniste en 1863, qui refusait d'abolir l'esclavage et avec lui son modèle économique, le « Dixie Flag » est devenu un symbole ouvertement raciste au XXe siècle. Depuis les années 1930, il a été récupéré par les partisans de la ségrégation raciale, dont le KKK.
Or, le rouge vif est une des couleurs marquantes du drapeau confédéré : il colore le fond sur lequel est apposé une croix bleue en « x », ornée des étoiles représentant les 13 États en rupture avec le Nord pendant la guerre de Sécession. Selon une interprétation qui circule largement sur internet sous l'influence des évangéliques, la bannière aurait une signification religieuse : la croix bleue de Saint André/Andrew, premier disciple de Jésus et patron de l'Écosse, et le rouge du sang christique. La boucle est-elle bouclée ? Le rouge de la casquette trumpiste serait-il aussi un symbole chrétien ? « Ce n'était pas le cas au moment de la Confédération », resitue Jean-Éric Branaa. En effet, William Porcher Miles, le créateur du drapeau, avait tenu à lui donner un sens agnostique pour éviter les critiques des protestants et des juifs dans l'armée confédérée. Les couleurs étaient, insistait-il, les mêmes que celles du Stars and Stripes national, dont le rouge est « symbole de résistance (hardiness) et de bravoure (valor) ».
Des partisans de Donald Trump arborent un drapeau confédéré avec l'inscription «Trump 2016», lors d'un meeting du candidat républicain à la présidentielle, le 3 novembre 2016.
Des partisans de Donald Trump arborent un drapeau confédéré avec l'inscription «Trump 2016», lors d'un meeting du candidat républicain à la présidentielle, le 3 novembre 2016. AP - Matt Rourke
Lourd de sens, aléatoire ou utilitaire, le rouge aux États-Unis est désormais marqué politiquement. « On ne pourra plus revenir en arrière après Trump », constate le chercheur français. « Alea jacta est », « Les dés sont jetés », selon la phrase prêtée par Suétone à Jules César franchissant le Rubicon. Ce petit fleuve côtier séparait la Gaule cisalpine de l'Italie à l'époque de la République romaine. Teintée par la terre, l'eau du Rubicon était rouge, dit la légende. Selon la loi, aucun général ne pouvait passer cette limite avec ses soldats en armes sans l'autorisation du Sénat. Une façon de protéger Rome d'un coup d'État militaire. En désobéissant, César entre de façon irréversible dans l'illégalité. Il franchit la ligne rouge.
Autres articles
-
Hong Kong: Jimmy Lai, figure du camp pro-démocratie, condamné au nom de la sécurité nationale
-
Est de la RDC: comment réagit la communauté internationale à l’offensive de l’AFC/M23
-
Commerce: une taxe de 3 euros imposée sur tous les petits colis importés dans l'UE à partir du 1er juillet 2026
-
Tentative de coup d’État au Bénin: le chef de la diplomatie nigériane réagit à l’appui militaire d’Abuja
-
Cameroun: première audience pour 77 personnes arrêtées après les contestations post-électorales






Hong Kong: Jimmy Lai, figure du camp pro-démocratie, condamné au nom de la sécurité nationale


